 Qui a parlé de problème de pouvoir d'achat ? Bon,
oui, un peu. Mais si l'on considère que les ventes se font en
euros, et que comme on dit chez Rolls « Si vous demandez le
prix, c'est que vous n'avez pas assez d'argent », je ne vois
pas où sont les soucis. J'ai calculé : avec ce que
je gagne, il me faudra à peine 2225 ans pour régler la
dernière traite. Et encore, c'est un yacht d'occasion !
« Celui qui est là, le gros ?
- Non, celui d'à côté. Le plus petit, avec les bandes
bleues. Ça fait sport. »
Trêve de plaisanteries. Quand on aime, on ne compte pas. Et puis, ça
permet de recevoir dignement…
Si vous êtes pris d’une tocade, ou que
vous venez de gagner à Euromillions, Venise était du 8
au 16 mars l’endroit où vous DEVIEZ être. Et même,
si vous ne réunissez aucune de ces conditions, cela ne vous empêchait
pas de venir, bien au contraire.
Ah ! Ce Salone Nautico ! Pour ceux qui connaissent,
il est en passe de devenir l’un des must, l’un des
endroits où il faut être allé entre hiver et printemps
(pas où il faut être vu, personne ne fait plus ça),
pour pouvoir encore passer dans les salons la tête haute.
Pour les autres, ceux qui ne passent pas leurs jeudi soir dans les salons – désolé,
vendredi, nous sommes déjà pris – pour ceux
qui viennent mettre de côté un peu de rêve pour les
conversations avec les copains ou les copines, c’est aussi un très
bel endroit.
A en juger par la foule qui vient voir les belles coques, par ici, personne
ne fait de complexe, ou tout le monde espère, au choix. N’importe, ça
fait rêver. Donc du bien. A moins que ce ne soit ces escouades
de belles italiennes coiffées de casquettes de capitaine, les
coquines, qui fassent rêver. Peut-être même les deux
(mon capitaine, justement).
Toujours est-il qu’il y avait pas mal de monde, et que j’ai
bien failli ne jamais parvenir jusqu’au Grand Bassin admirer les
courbes gracieuses… des voiliers et des yachts qui flottent là.
Et pourtant, des courbes gracieuses, il y en avait beaucoup, beaucoup.
Comprenez-moi.
 |
 |
L’entrée se fait par le grand hall. Et là, sitôt
le tourniquet passé, il faut parcourir une cinquantaine de mètres
entre les stands des artisans qui sont venus de l’Italie entière
proposer les produits du terroir (jambons, saucissons, fromages, vins,
grappa, et tous ces articles qui donnent faim seulement en passant à côté),
les cravates, les écharpes, les pulls, les chaussures, et en règle
générale tout ce qui rend fou un Européen normalement
constitué. C’est dire que tout cela prend du temps. Une
fois arrivé sur le grand balcon, le spectacle est impressionnant.
Dans
l’air frais, au soleil, les étraves jouent avec leurs
reflets dans les eaux bleues du bassin. Plus de 500 embarcations, du
petit voilier à l’énorme yacht, jouent des coudes
pour mieux séduire.
Elles ne sont pas les seules. Les sourires sont de mise, le discours
est volubile, le geste ample, et les regards complices. Ici, toutes les
réponses sont là. Il ne manque plus que les questions.
Même les plus étranges. Vous désirez acheter une
gondole ? Pourquoi pas cette merveille, vernie comme un motoscafo,
qui capture la lumière à la façon d'un miroir de
Murano. Un cabin-cruiser ?
Celui-ci emmène un gros jet ski dans le coffre arrière.
Si vous préférez la vitesse, essayez donc celui-ci, que
des superlatifs : 1760 cv, 430 000 €. La passerelle électrique
téléscopique et incorporée est incluse.
Le quai gauche est occupé par une grosse délégation
de la marine italienne. Le véhicule amphibie a un succès
fou, notamment avec les enfants, ravis de voir en vrai ce avec quoi ils
jouent dans les campielli, et les vedettes rapides ne désemplissent
pas. Les séries télévisées ont encore de
beaux jours devant elles.
Sur les podiums du hall ou du Hilton de la Giudecca,
partenaire de la fête,
les défilés de mannequins présentent les maillots
et les gilets en éponge, sans oublier de tout ce qui se porte
le soir sur les bateaux dont je parlais plus haut. Dans la journée ?
Bah, pourquoi s’embarrasser à porter quelque chose ?
Ou alors, du léger.
 Le Hilton, installé dans les murs des anciens
moulins XIXème de la Giudecca propose un raffinement qui le place à l’égal
des anciens palaces de l’autre côté du canal. Le verni
des vieilles poutres et les colonnes de fer rappellent, s’il était
besoin, que la Sérénissime était marchande. Et lorsque
le crépuscule vient peindre en or les bateaux sur la lagune, piquer
une tête dans la piscine sur le toit n’est pas un luxe. C’est
un art.
|