Après le tunnel, de l’autre côté de
Scey, le voyage commence par une section bordée d’arbres, droite
comme un I au repos, qui se termine par une porte de garde. Le moment de
tester sa capacité à viser juste ! L’Europa
se manœuvre en douceur avec précision, et je passe entre
les deux murs sans appréhension.
A l’écluse de Chemilly, une petite fille habillée
d’une robe blanche joue avec un lapin bizarre, aux oreilles tombantes
comme celles d’un cocker. Elle me crie son prénom quand
nous partons, mais je ne l’entend pas. Il m’a semblé entendre
sa mère crier « Alice », mais je dois me
tromper…
Les berges sont plantées d’arbres raides comme des piquets,
et nous sommes surveillés de haut par quelques buses qui planent,
planent, planent…
La symphonie en vert reprend, avec quelques accords majeurs. De temps à autre,
la surface de l’eau ressemble à la palette d’un peintre
qui aurait oublié qu’il existe d’autres couleurs que
le vert et le jaune. Monet aurait été ravi, ici.
La marina
de Port-sur-Saône est un must. Le mini phare blanc et
rouge signale l’entrée des pontons. On y trouve tout le
confort, bien sûr, et même un barbecue sur la rive. C’est
là qu’on fait les rencontres…
Port-sur-Saône a le calme des petits villages de France. La cloche
de l’église égrène les heures et compte les
quarts, sous son clocher à dôme – encore un. On a
quitté les hordes. Le pas se fait plus lent, l’œil
plus curieux, le bonjour plus facile.
Sur le pont du XVIIe siècle, quelqu’un a
gravé son anathème sur les aristocrates. Un vestige de
la Révolution. La première, celle de 1789.
Dans le port, les conversations
naissent. Les témoins sont les
hérons, perchés tout en haut de leurs échasses,
qui fuient lorsqu’on les approche d’un peu trop près,
mais qui n’en perdent pas une miette, croyez-moi.
Justement, le
héron du jour est là, sur un bastingage.
Nous allons le saluer, mais il replie son cou, étend ses ailes,
et s’éloigne nonchalamment au ras de l’eau, sur fond
de cabin-cruiser. |