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La Petite Saône et le Canal de l'Est
JF Macaigne

 
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Après Montureux-les-Baulay, la Petite Saône semble prise d’une sorte de frénésie. Elle virevolte comme une danseuse de flamenco entre les champs de maïs. On passe Cendrecourt, où les hirondelles s’amusent à faire des portées musicales sur les fils électriques, et on arrive à Ormoy, dernière écluse avant Corre et l’entrée du canal de l’Est. C’est encore un joli clocher qu’on aperçoit, et un vieux lavoir de pierre au bord de la rivière. Les enfants jouent sur la berge dont l’herbe est taillée à l’anglaise. Il ne manque plus que la Mère Denis !…
A Corre, prenez l’embranchement sur votre gauche si vous désirez faire halte à la marina. Vous y serez au calme. Le tour du village est assez rapidement bouclé, et ne cherchez pas le supermarché. Il a brûlé, et au moment où j’écris ces lignes, rien n’indique que quiconque soit disposé à le reconstruire.

Pendant une longue période, Corre fut un sujet de discorde entre la France et la Lorraine, et on y a découvert de nombreuses stèles funéraires, ainsi que des fragments de statues qui attestent de l’ancienneté de l’occupation du lieu. Tout ces vestiges sont au musée de Vesoul.
Il n’en reste pas moins que Corre est une halte agréable et calme. Si vous ne vous arrêtez pas à la marina, vous avez aussi la possibilité d’amarrer au quai juste avant le pont, après le passage de l’écluse. Vous y trouverez eau et électricité, juste à côté d’un parc assez étrange, aux étonnantes statues d’animaux. On y aperçoit aussi une petite chapelle ou un tombeau, dont les murs sont sculptées de scènes d’animaux chassant des serpents. Une atmosphère bizarre se dégage du lieu, comme s’il sortait tout droit d’un film fantastique.
On pénètre dans le Canal de l’Est par l’écluse de Corre, surveillée depuis une petite maisonnette rose, sous une passerelle en fer bleue du plus bel effet.
De Corre à Selles, c’est une balade nautique quasiment solitaire. L’affluence du canal du Midi paraît être sur une autre planète. Ici, silence, harmonie, beauté des grands arbres verts et effet miroir des eaux du canal. La glisse est voluptueuse… Lignes droites et sous-bois se succèdent, semées de petites écluses campagnardes.
Si jamais vous décidez de jeter l’haussière à Selles, ou de vous lancer dans l’étude de son pont tournant (fin XIXe, classé monument historique – si je vous dis tout, vous n’aurez plus rien à étudier), faites un petit effort : à quelques kilomètres, on visite à Passavant-la-Rochère la plus ancienne verrerie d’art de France, fondée au XVe siècle par Simon de Thysac. C’est probablement l’aussi l’une des plus anciennes au monde. Elle est toujours en activité, et l’on peut observer le verre en fusion et le travail des souffleurs.
Dans l’écluse de Selles, la pierre des bajoyers est usée par les amarres de ceux qui se sont succédés ici depuis si longtemps. Les nostalgiques des temps anciens caresseront les arrondis du quai, et rêveront aux bateaux de jadis : mignoles, penelles, toues, cadoles…
Décidément, il n’y a pas un chat, et c’est un vrai régal d’avoir le canal pour nous seuls. Entre deux fronts d’arbres, sur un canal lisse comme une peau de jeune fille, l’étrave du bateau fend l’onde à la manière d’un sabre japonais. A tour de rôle, chacun va passer quelques minutes au-dessus de l’étrave, au dessus du guindeau. L’effet est saisissant, et un peu hypnotique. C’est magique.
Nous arrivons au terme de notre escapade : Fontenoy-le-Château.