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Les lacs de Mazurie
JF Macaigne


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Europa 600 - Mikolajki - Ryn - Gizycko - Sztynort - Le sud

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Au sud de Mikolajki, après avoir descendu le lac Mikolajskie, il vous faudra choisir entre, à gauche le plus grand lac de Mazurie, le Sniardwy, et, sur la droite, une succession de lacs étroits se terminant par une interdiction de naviguer avec un moteur à partir du lac Nidzkie. En une toute petite journée, on a le temps de descendre jusque là. De chaque côté du lac s’étend une immense forêt de pins et de sapins : la forêt de Pisz, un Parc Paysager qui sera bientôt classé Parc Naturel. Il y a bien longtemps, on y trouvait aurochs, ours et gloutons, sortes de petits ours à longue queue, qui, contrairement à ce que l’on pourrait croire, ne se rencontrent pas dans les restaurants. Du moins pas ceux que je fréquente. Encore que. On y croise aussi des cerfs, des élans, des chevreuils, des sangliers, et quantité d’autres animaux plus communs. Avec un peu de chance, vous apercevrez un groupe de petits chevaux sauvages polonais, descendants des tarpans, aux robes grises et longues crinières noires. En étant silencieux et amical, on peut aborder et aller les caresser, car ils ne sont pas trop farouches. En revanche, n’espérez pas trop voir un lynx ou un loup. Il y en a, mais plus avant dans cette forêt de 86 000 ha.
Par endroit, la forêt s’éclaircit, et des restaurants perdus en pleine nature apparaissent. A noter celui dont l’animation se base sur les vikings, avec drakkar en bois caché des les herbes, totems, etc. Etonnant. Au beau milieu de nulle part, nous avons jeté l’ancre pour déjeuner. Salem a déballé la canne à pêche, mais… nous sommes repartis vers l’écluse de Guzianka. La seule écluse de l’endroit sépare la suite de lacs en deux à la façon d’un nœud papillon. Elle n’est pas bien grande, et les bajoyers sont en pente oblique, munis de petits bouts que l’on récupère avec une gaffe. Original, mais efficace. Pendant que nous attendons d’entrer, nous tombons sous le charme d’une goélette rouge ancienne splendide. Une mouette, perchée sur ce qui ressemble comme deux gouttes d’eau à une bricola vénitienne, nous observe d’un œil bizarre.
La nature s’en donne à cœur joie : les arbres s’alanguissent jusqu’au ras de l’eau, de vieux pieux reprennent vie, et même un héron se pose à la façon d’une danseuse étoile sur une scène invisible. Nous sommes presque arrivés à la hauteur de Nida, là où les moteurs doivent céder la place au silence. Nous avons alors fait le tour d’un chapelet d’îles minuscules, et nous sommes repartis d’où nous venions. Le ciel devenait rose pâle lorsque nous avons aperçu le ponton, au fond d’une petite baie. Il appartenait à un hôtel en lisière de forêt. Nous en avons profité pour effectuer un petit tour sur un chemin sablonneux, entouré d’arbres immenses. Un chariot mené par un cheval, dont le conducteur nous regardait bizarrement, nous a surpris, puis l’ombre d’un oiseau géant nous a frôlé. Son nid n’était pas loin. Un nid énorme, de la taille de celui d’une cigogne. Mais il n’y a pas de cigogne en forêt, comme chacun sait. Non ? Nous avons donc pensé qu’il s’agissait d’un pygargue, une sorte d’aigle à tête et queue blanche symbolisé sur le blason polonais, et remisé nos idées naissantes sur Jurassic Parc, puis nous sommes rentrés au bateau en cueillant des fraises des bois.
Je ne sais pas si c’est le trèfle à quatre feuilles que j’ai trouvé, ou la vision d’un pécheur se reflétant dans l’eau qui a décidé Salem, mais je l’ai vu ressortir du bateau armé de sa canne, et se poster d’un air décidé au bout du ponton. La nuit était tombée, et nous commencions à nous inquiéter, lorsque nous avons entendu un cri de triomphe. Après vérification et photo témoin, nous avons remis le monstre à l’eau.
Le lendemain, après avoir fait traîner le petit déjeuner en longueur, il a bien fallu se faire une raison. C’était le dernier jour. Il fallait quand même absolument jeter un coup d’œil au lac Sniardwy, surnommé la « mer de Mazurie ». Il faut reconnaître qu’il est impressionnant. Au passage, nous croisons une flottille de palmipèdes que j’ai du mal à reconnaître. Canards, cormorans…? On rencontre tellement d’espèces dans ces lieux que l’on finit par s’y perdre si l’on n’est pas spécialiste.
Un petit vent sec s’est levé, et nous nous sommes repliés vers le salon et le poste de pilotage intérieur. Evidemment, la visibilité n’est pas la même, mais on peut manœuvrer en bras de chemise, et bien plus au sec. Nous laissons sur tribord un envol d’oies ou de cormorans, difficile à dire de loin. Le ciel vire du bleu sale au bleu-gris, puis au gris et enfin au plomb, et l’obscurité tombe lentement vers treize heures. Un cygne solitaire nous contemple, interloqué : un gros grain se prépare, et nous sommes au milieu de l’eau. Nous croisons un voilier blanc, irréel, qui fait route dans l’autre sens. Nous sommes tentés de le suivre, mais sur la carte, un petit groupe d’îles nous tend les bras. Nous nous y réfugions en quelques minutes, jetons l’ancre devant une petite plage de sable bordée de roseaux, et la pluie se met à crépiter. C’est inouï. L’eau a pris la couleur du ciel. La symphonie Pastorale de Beethoven envahit la stéréo du carré, histoire de rester dans le ton, et il faut avouer que tout cela a une certaine allure. Nous déjeunons.
Une heure plus tard, tout est terminé. Le bleu réapparaît par endroit, et nous quittons notre abri. Beethoven s’est tu. Le retour vers Mikolajki est silencieux. Chacun pense à la même chose.
Nous arrivons en pleine régate. Des dizaines de dériveurs occupent le terrain juste devant le port. Nous faisons un grand détour pour ne pas déranger, et grâce au propulseur d’étrave, je réussit un créneau parfait sous les yeux des cygnes qui se battent toujours pour le pain lancé par les touristes. Mikolajki n’a pas changé. Les mêmes couples arpentent les quais, et si ce ne sont pas les mêmes, ils leur ressemblent beaucoup. La fête du soir se prépare. Les boutiques ferment l’une après l’autre, les premiers clients envahissent les restaurants, et nous, nous préparons nos sacs. Demain, nous rentrons en France.

     
Texte & photos : ©JF Macaigne
 
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