Vers le sud-est
Le
voyage vers Templin était le parcours le plus
long que nous avions à faire, et nous l’avons fait en deux étapes.
La première fut le retour jusqu’à Fürstemberg via l’Elblogensee,
le Menowsee et le Röblinsee, avec un coucher de
soleil nuageux dans l’indigo rosé, la seconde, de Fürstemberg jusqu’à Templin.
Après une nuit à Fürstemberg, il faut franchir l’écluse,
faire un quart de tour dans le Baalen- See, passer sous la passerelle
en bois, et entrer dans le Schwedt- See. Au fond du lac on aperçoit Fürstemberg et
aussi les vestiges émouvants du camp de Ravensbrück.
La Havel se trouve tout de suite à droite. Elle file au milieu
des arbres en direction du Stolpsee, un grand lac où se
trouve Himmelpfort et sa jolie chapelle en brique.
La
Havel continue ensuite Vers Bredereiche en serpentant
entre de grands arbres où se cachent des chalets de vacances aux
toits pointus. Les villages de vacances s’enchaînent les
uns après les autres, et on dépasse nombre de canoës
et de kayaks qui descendent la rivière au rythme des pagaies.
Il y a là-dedans un petit côté « Délivrance » qui
rappelle pas mal de souvenirs cinématographiques…
Bredereiche possède une écluse à guillotine
très impressionnante, avec une énorme porte et une galerie
en ferraille sur le dessus. Nous
passons dessous, j’essuie la goutte tombée de la porte directement
sur mon front (c’est toujours sur moi que ça tombe, mais
c’aurait pu être pire), et mon copain Salem actionne le mécanisme
de l’automatisme. Un petit mot là-dessus : en règle
générale, on utilise le levier vert. Il faut le tourner
ou le lever, c’est selon. On entend faiblement à ce moment-là un
signal sonore qui souligne que l’action a été prise
en compte. Si quelque chose ne va pas, que quelqu’un est tombé dans
le sas ou autre problème grave, on peut actionner le levier rouge. Il bloque alors tout dans l’état, et il faut attendre qu’un éclusier
vienne dépanner. C’est dire qu’il faut faire attention
de ne pas l’accrocher avec sa manche… Ceux qui pratiquent
la langue de Gœthe peuvent lire des informations sur ce qui se
passe sur un panneau lumineux placé généralement
au centre de l’écluse. En ce qui me concerne, je m’en
tiens aux petits dessins ; je n’ai pas dépassé le
stade de la maternelle en allemand (et je le déplore, d’ailleurs).
La
Havel persévère dans ses sinuosités, comme si
elle avait décidé de jouer à la route de montagne,
mais à plat. On ne peut pas s’en plaindre, bien au contraire.
A l’écluse de Regow, accostez. Derrière
la cahute éclusière, une ferme minuscule, où un
petit troupeau de chèvres jouent des cornes dans une sorte de
vieux wagon. On peut y acheter des fromages frais, totalement délicieux,
pour une bouchée de pain. Enfin, vous m’avez compris…
Au passage d’un champ fraîchement coupé, nous observons
une cigogne qui enjambe l’herbe en dodelinant du cou. Cinquante
mètres plus loin, un petit aigle brun et blanc nous regarde d’un œil
interrogateur. De quel droit venons nous le déranger ? Nous
nous esquivons sur la pointe des pieds, pardon, des pales, et continuons
entre les arbres et les nénuphars. Nous arrivons bientôt à un
embranchement où il faut tourner à gauche pour remonter
le Templiner Wasser, et découvrir le petit Lankensee et
le long Röddelinsee. Trois kilomètres plus loin,
nous patientons aux portes de l’écluse de Templin.
Comme elle n’est pas très grosse et qu’il y a toujours
beaucoup de candidats, l’attente est variable entre longue et très
longue. Finalement sort du sas un engin très étonnant,
sorte de petite cabane dans la prairie montée sur radeau. Le seul
qui a l’air de rigoler est l’homme qui pilote sur son échafaudage.
Son épouse n’a visiblement pas les mêmes goûts
en matière de navigation.
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Si vous faites ce voyage, ne loupez pas la marina
Altstadthafen, tout de suite après la sortie de l’écluse.
Non seulement on y est bien, entre les arbres, mais en plus les propriétaires
sont charmants, on mange bien au restaurant, et on y fait des rencontres
délicieuses, comme cette jeune femme de Hanovre qui nous a expliqué dans
un français parfait tout ce qu’il y avait à voir
en ville et plus. Le lendemain, son mari et elle sont partis avant nous,
mais elle nous a laissé un petit mot pour nous recommander l’écluse
aux fromages de chèvres et la chapelle de Himmelpfort.
La gentillesse, ça ne s’oublie jamais.
Templin est
une petite cité médiévale
entourée de remparts, aux rues droites se coupant à angles droits,
sur le modèle des castrums romains. Les remparts furent construits entre
le XIIIe et le XIVe siècle. Ils courent sur 1735m, hauts de 7m environ.
Ils ont conservé leurs tours, comme la Tour de la Chouette, qui servait
de prison. Au centre de la ville, l’église Marie-Madeleine, qui
n’a conservé que les fondations de l’ancien édifice
réduit en cendres en 1735 est pimpante et fraîche, mais évidemment
moderne. La Mairie, un pâté de maison plus loin, est une grosse
maison baroque rose avec un toit en croupe. Il reste cependant quelques anciens
vestiges plus conséquents : la Porte du Moulin, du XIVe,
en briques, est juste à côté de la marina ; la Porte de Prenzlau
(XIVe), bel exemple de porte telle qu’au moyen âge, enferme le
musée de Templin qui montre l’histoire de la ville ; la
Porte de Berlin, une autre porte gothique ; et le plus ancien édifice
de la ville, la Chapelle St.-Georges, du XIVe, qui échappa à l’incendie
qui ravagea la ville en 1735.
Il
est extrêmement agréable de se balader à travers
les vieilles rues rectilignes bordées de maisons à pans
de bois, accompagnés par les odeurs des tilleuls qui emplissent
la ville.
Ces tilleuls de juin en fleurs nous ont tenu la main, pardon, le nez,
pendant tout le voyage, et ce n’était pas le moindre de
nos plaisirs. Deux fois que nous flânons sur les lacs allemands
avec un égal bonheur, et des découvertes renouvelées.
Jamais deux sans trois, dit-on en France. En Allemagne, je ne sais pas.
Quatre ? Cinq ?…
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