Un slow tourisme propre

Aux pieds du village le Verdon saute de pierre en pierre, et si on remonte le courant, on parvient au lac d’Esparron, dont les eaux pures sont contenues par le barrage de Gréoux, qui délivre 170 millions de kWh par an. C’est à l’aplomb du barrage que le lac est au plus profond : 55 m. Lorsqu’il fut mis en eau en 1967, il engloutit une ferme, une route qui menait à St Julien, ainsi qu’un pont, à l’origine utilisé pour la transhumance des troupeaux.

Le site est de toute beauté, et pour en savourer tous les secrets, l’idéal est La Perle du Verdon, le bateau promenade électrique de 13,50 m qui transporte ses 60 passagers à 12 km/h dans le plus parfait silence. Pas de moteur à explosion, écologie oblige, car les eaux du lac, tout comme celles du lac de Sainte-Croix, en amont, alimentent en eau brute toute la côte, à commencer par Aix-en-Provence, Marseille et Toulon ainsi que 116 communes, et 80000 ha de terres agricoles. La Perle du Verdon est pilotée par Patrick Fauchère, issu d’une vieille famille de mariniers et marinier lui-même, qui a trouvé ici le bonheur et le calme, avec sa chienne Bella qui l’accompagne partout. Son bateau stationne à Beaucaire, mais pendant la saison, il vient depuis 7 ans promener les curieux comme nous, accompagnés des commentaires éclairés de Marie-José Pelegrin, depuis 8 ans sur le bateau.

C’est Laurence Reffet et son mari Rémy qui ont eu l’idée de promener des touristes sur le lac il y a 15 ans : « Nous sommes originaires du Jura. Nous avions déjà le goût du fluvial depuis nos voyages au Canal du midi, mais en un week-end, nous sommes tombés amoureux des Alpes de Haute Provence. Le bateau, qui avait été lancé en 1987 , a navigué ici en 97. Cela a été très difficile d’obtenir une autorisation, car le lac est une réserve d’eau potable. Pendant 2 ou 3 ans, ça a été l’enfer. Les batteries n’étaient pas fiables, nous avons eu des problèmes de moteur, mais l’ENAG , de Quimper, a refait l’électronique, et depuis, tout fonctionne. Après, nous avons lancé les petits bateaux électriques, des Ruban Bleu. Cela nous évite d’avoir une autorisation dans les gorges : les gens le font en petit bateau. Et cela plait énormément ! Pour nos 11 bateaux, tout est réservé sur une semaine. Notre clientèle vient principalement de la région PACA, et des seniors qui vont en cure à Gréoux, mais en juin, de nombreux Chinois sont arrivés et ont constitué une grosse partie de nos clients, avec des Anglais, des Belges, et des Hollandais. Ce qui les attire, c’est le côté nature, la température de l’eau à plus ou moins 24°, et le fait que ce soit de l’eau douce ».

Une Perle sur un lit turquoise

Depuis l’embarcadère de la plage d’Esparron-du-Verdon, La Perle du Verdon démarre sans un bruit et s'écarte du rivage. Nous slalomons entre les canoës et les planches à voile, vers les falaises blanches de la rive droite. Le bateau fait au meilleur de la saison 3 tours de lac par jour pendant une bonne heure. La sensation est assez unique : dans un petit ronronnement, nous avançons avec la légèreté d’une ballerine sur un parquet d’opéra. Pas même un clapotis, nous flottons sur un nuage. Le bateau avance jusqu’au barrage de retenue et fait demi-tour pour suivre l’autre berge. Sur la falaise, annonce l'hôtesse, à 2 m de l’eau, un nid d’aigles de Bonellie. Le bateau entier tourne la tête vers la droite, où un amoncellement de petits branchages s’agrippe au rocher. Le nid a été déserté par ses occupants, car auparavant, il était à 50 m de hauteur. Cela donne une bonne idée de la montée des eaux. Les flashs crépitent, même sous le soleil de cette fin d’après-midi. Les aigles n’ont pas attendu de devenir des stars.

Surgit un gros ouvrage en béton qui ressemble à une écluse allemande : la prise d’eau qui alimente le canal de Provence. On est prié de ne pas s’en approcher, sous peine d’être aspiré et de se retrouver sur la côte ou ailleurs, dans un triste état. En parlant de côte, les berges ressemblent beaucoup, de loin, à des plages idylliques du midi ou de la Corse. Le sable n’est malheureusement pas aussi fin dès que l’on s’approche, mais l’eau…! L’eau a la transparence des flots méditerranéens ou de ceux des mers du sud. Un rêve.
Le décor change maintenant et des falaises crayeuses s’élèvent. Nous voici transportés sur le Lot. Cet endroit est décidemment magique. Nous repassons devant la plage d’Esparron-du-Verdon, notre point de départ, et allons pointer le bout de l’étrave dans le début des basses gorges du Verdon. Plus loin, c’est le domaine des petits bateaux électriques, qui peuvent, contrairement à nous, faire demi-tour aisément, et manœuvrer pour découvrir, sur 9 km, des paysages magnifiques : des grottes dont certaines témoignent d’un passé préhistorique, et une, la grotte aux chauves-souris, abrite des espèces comme le Murin de Capaccini, qui semble apprécier les efforts faits pour qu’on le laisse tranquille mener sa vie de mammifère utile. Il n’est pas seul : le petit rhinolophe , le Minioptère de Schreibers , le Petit murin , le Grand murin et le Murin à oreilles échancrées adorent aussi l’endroit, et profitent de programmes de protection spéciaux. Evidemment, l’accès à la grotte est extrêmement réservé pour protéger l’incognito des petits chiroptères, mais nous savons qu’ils sont là, et cela satisfait notre soif d’écologie dans ces lieux paradisiaques.