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Au nord (le premier
qui chante "Les corons" sort de la pièce…) Ryn, Gizycko,
et une pléiade de lacs enchanteurs, propices à la pêche
et à la découverte de rivages cachés par des haies
de roseaux. Au sud, une petite mer, le lac Sniardwy,
et le parc Paysager de Mazurie.
Lorsqu’on
pique vers le septentrion, via les lacs Talty,
puis Rynskie, on file droit vers Ryn, la petite
ville située tout au bout du Rynskie. Les rives sont presque entièrement
ceinturées de roseaux et d’ajoncs, dont les reflets semblent faire
avancer le paysage dans l’eau. Sur la gauche, un mamelon est couvert de
fleurs rouges. Un champ de coquelicots ? Ça et là, des pécheurs
solitaires traquent le gardon, la perche et l’ablette. Au soleil, ils rôtissent
lentement dans leur barcasse, tandis que l’Europa trace imperturbablement
son sillon. Les maisons s’espacent, de petites îles apparaissent,
et peu à peu, la forêt envahit les berges. Au loin, un jet-ski trace
ses arabesques d’écume tandis que les nuages peignent sur les eaux
un tableau impressionniste. Nous jetons l’ancre au fond d’une anse
discrète et déjeunons au son des merles et des passereaux. Histoire
de se mettre au diapason, mon ami Salem
a sorti sa canne à pêche
pliante amenée de Paris, et jette le bouchon. Nous repartirons malheureusement
avant qu’il ait pu ramener le brochet espéré.
En fin d’après-midi, un peu avant d’arriver à Ryn,
nous dépassons un îlot étrange, Duza
Wyspa, couvert de milliers
de mouettes rieuses qui virevoltent sans fin autour des quelques arbustes de
l’endroit. Une future réserve de guano… Une sorte de Galapagos
lacustre et nordique, qui n’a pas l’air d’émouvoir outre
mesure ce pécheur aux coups de soleils impressionnants, debout dans sa
barque blanche.
Toute
la région fut pendant des siècles le fief des Chevaliers
Teutoniques, dont les exploits et les faits d’armes sont entrés
dans la légende autant que dans l’histoire, un peu à la manière
des Chevaliers du Temple, en France. Il existe de nombreux vestiges de cet ordre
de moines-soldats, et c’est l’un d’entre eux, la forteresse
de Ryn (XIVe siècle), qui domine de ses hauts murs la petite ville aux
maisons de couleur. Elle a été transformée en hôtel
de grand luxe, et ses couloirs abritent fresques, armures, et nombres d’armes
moyenâgeuses impressionnantes. Un château fort grandeur nature où les
enfants ne risquent pas de s’ennuyer une minute… A quelques centaines
de mètres, l’un des derniers moulins à vent qui parsemaient
autrefois les collines alentour, et une tour solitaire octogonale, qui coiffe
la vieille partie du cimetière. Le soir venu, dans les lumières
vert pâle du crépuscule, Salem a de nouveau déplié la
canne, sans un bruit, et s’est installé à l’avant du
bateau. Hélas, la perche avait rendez-vous ailleurs, ce soir-là.
Nous
repartirons au matin de ce ponton flottant et tanguant, en doublant une seconde
fois Duza Wyspa et ses mouettes folles, pour découvrir les autres
lacs. Il faut pour cela revenir dans le Jezorio Talty, à une
grosse heure de navigation. Sur la rive, les restes ferraillants d’un ancien
bac achèvent de rouiller au milieu du vert omniprésent. Soudain,
une cigogne surgie de nulle part passe majestueusement devant l’étrave.
Je n’ai que le temps de me précipiter sur l’appareil pour
la capturer en plein vol. Magique ! Apparemment, elle revenait de livraison,
car elle n’avait aucun bébé suspendu au bec.
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