Vivre Noël à Venise !
Une expérience un peu particulière à deux
qui bouscule pas mal les idées reçues. Cliquez
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Il est essentiel d’arriver quelques jours avant, pour s’imprégner
de l’ambiance de la Cité. Si vous avez de la chance, le
soleil règnera sans partage sur les toits et les monuments. Les
statues de la Place San Marco prennent alors une blancheur quasi virginale,
et toutes les scènes que racontent les frontons de la basilique
se découpent sur un azur sans faille. Les ailes dorées
des anges, longues et effilées, célèbrent toutes
le mariage entre l’eau et le ciel, entre la République
et le Paradis.
En bas, plus prosaïquement, on continue de s’amuser avec
les pigeons, on flotte sur l’or du Grand Canal, ou on se perd
dans des fondamente esseulés ou des campielli subitement déserts.
Quelques murs, quelques guirlandes, célèbrent la fête à venir,
mais rien ne permet vraiment de distinguer la période d’un
autre temps dans Venise la Belle.
Où sont-ils donc tous ?
On retrouve la foule dans les rares
marchés de Noël, comme
celui du Campo San Stephano par exemple, ou celui, plus classique,
de Strada Nuova dans Cannareggio. C’est dans cette dernière
que vous achèterez les pâtisseries de Noël multicolores,
les panettones, et les chocolats habillés de rouge, et aussi
la maroquinerie et les cravates en soie dans les échoppes
au milieu de la rue. Sur les murs des maisons, quelques pères
noël
précoces escaladent les murs discrètement, en se
figurant qu’on ne les voit pas. Les arcades de la place Saint-Marc
arborent quelques guirlandes discrètes, quelques crèches
décorent
les vitrines des magasins, dans lesquelles apparaissent de temps à autre
la face joviale du barbu rieur.
Les crèches, c’est l’affaire de quelques spécialistes,
que l’on croise par hasard en train de fabriquer leurs chefs
d’œuvres en plein vent. Du grand art. D’autres crèches
aussi, dans les églises, cette fois. Plus traditionnelles, mais
tout autant imprégnées de foi.
Sur le Grand Canal, les
gondoles jouent la pause. Ce n’est pas
la pleine saison touristique. C’est pourtant le moment d’en
profiter : les prix baissent un peu, et il y a moins de monde.
Et entre nous, exceptés les courants d’air qui parcourent
les rues étroites, Venise en hiver, ce n’est tout de même
pas la Sibérie. Vous en profiterez pour faire le plein de concerts
(il y a moins de monde à la Fenice, par exemple), y compris
dans les rues, comme au Campo San Stephano et avec cet extraordinaire
joueur de « verres » : Parfois,
une musique vient de nulle part et chatouille l'oreille. On cherche.
On se dirige au son. Il est là, l'homme aux verres enchantés.
Avec la main sûre
et légère d'une dentelière, il cisèle sur
le bord de ses verres Mozart, Vivaldi ou des chants de Noël. Quasiment
n'importe quoi. On ne sait pas d'où il vient, ni où il
va après. Je l'ai croisé derrière l'Accademia.
C'était magique. Assez
peu
de décorations de Noël dans les rues, donc. En fait, la
fête
est ici avant tout familiale. Ce qui remplit les vaporetti mais moins
les hôtels. Les autobus flottants de Venise s’enfoncent
beaucoup dans l’eau du Grand Canal, et on tangue un peu, mais,
comme me le disait un Vénitien, « aussi loin que
l’on se souvienne, pas un seul n’a jamais coulé »…
On
croise aussi dans les rues d’étranges
personnages, montés
sur ressorts, des trolls multicolores, et bien sûr quelques Pères
Noël qui tentent de lier la conversation avec de jeunes enfants
très suspicieux, voire effrayés et même terrorisés,
surveillés de près par leurs grands frères qui
savent, eux, qu’un type avec un costume pareil, ça n’existe
qu’au cinéma ou dans les centres commerciaux. Exception
faite de cet homme costumé en houppelande rouge qui quête
en haut du pont du Rialto. Son violon pleure les airs les plus tristes
qui soient, et on se prend à rêver à une époque
où les Pères Noël n’étaient pas obligés
de faire la manche pour survivre les onze mois restants.
En
fait, Noël à Venise se réserve aux Vénitiens.
Ceux qui habitent là à longueur d’année,
et ceux dont le cœur ne quitte jamais les eaux vertes de la lagune.
C’est une fête familiale, un peu privée, un peu
entre soi. Une parenthèse dans l’année. Si vous
faites partie de ceux là, Gioioso Natale* !
Sinon, rendez-vous Place
Saint-Marc pour le réveillon du 31
décembre. Le monde entier y vient pour s’embrasser au
dernier coup de minuit, même si quelques avinés préfèrent
s’exprimer autrement de façon plus personnelle et plus
intime sur les murs.
* Joyeux Noël aussi aux autres, évidemment ! Ne me
faites pas dire ce que je n’ai pas dit.