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Le Royal Canal et le Shannon

 

De Clondra à Ballinamore
 JF
Macaigne

 
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Voici une croisière à la façon des melting pots anglo-saxons. C’est joli, ça sent bon, et c’est varié. Le départ se fait à Clondra (Cloondara), à deux pas du Shannon, et l’arrivée est au bout du Ballinamore & Ballyconnell Canal, dans la charmante petite ville de Ballinamore. Entre les deux, pas mal de navigation, beaucoup de nature, quelques abbayes cisterciennes, des villes à l’irlandaise, fraîches et joyeuses, et des sourires tout au long du chemin. Nous étions à deux, dans une 935W nommée Drumrany – pardon, Droim Eanaigh – idéale pour passer sous les petits ponts de granit gris et pour un voyage en amoureux…

CLONDRA
Il est possible de déposer une liste de courses sur le site internet Locaboat, et à Clondra, c’est une heureuse chose, car la supérette est assez loin de la ville. Néanmoins, le temps d’arriver depuis Dublin, de s’organiser, de « sentir » l’ambiance du pays, et de faire quelques pas dans le petit village, nous n’avons décollé du quai que le lendemain matin. Cela nous a donné l’occasion de voir cette vieille abbatiale du 12e siècle, à côté de l’église actuelle. Dans le cimetière on remarque deux tombes du 5e siècle… A côté du joli pont de pierre, l’ancien moulin récemment rénové date de 1771, et fut transformé en distillerie à whiskey en 1837. Il produisait alors 70 à 80000 gallons chaque année et employait une petite centaine de personnes. Il revint au grain quelques années plus tard, et continua cette activité jusqu’au milieu du 20e siècle. Dans les années 80/90, il fut transformé en tannerie.
Le port se nommait autrefois Richmond Harbour. Il termine le Royal Canal, est au confluent avec le Shannon, et à ces titres, fut très utilisé par les émigrants aux Etats-Unis pendant la Grande Famine de 1845/49, ainsi que pour le transport des marchandises vers les grandes villes irlandaises.
A notre arrivée, John nous attendait, avec un sourire jusqu’aux oreilles. Il s’occupe de la nouvelle halte de Clondra, et c’est lui qui prodigue conseils, renseignements et petits trucs utiles. C’est lui aussi qui nous fournira le « sésame » : une carte à puce qui contient un certain nombre d’unités, pour acheter entrée aux douches, pompe à eaux usées, et plus loin, les écluses automatiques du Ballinamore & Ballyconnell Canal. Essentiel, et indispensable !

Ce Royal Canal nous tentait beaucoup, nous n’avons pas résisté, selon le principe d’Oscar Wilde (1), Irlandais fameux qui connaissait son sujet. Nous sommes partis à 9h 30 le lendemain en passant sous le Richmond Bridge et en remontant une longue file de bateaux un peu délabrés qui dorment, certains de leur dernier sommeil. A l’écluse 45, Paddy l’éclusier nous attendait, manivelle en main, pour nous emmener au long du canal. Les écluses sont on ne peut plus basiques, en bois, joliment peintes en noir et blanc, avec un bollard devant et un autre derrière, de chaque côté du sas. Sur tout le parcours, nous les avons chacune franchies en une grosse dizaine de minutes, grâce à l’efficacité des équipes de Waterways Ireland. Paddy a cédé la place à Roy et David à l’écluse 44, devant une jolie maison éclusière blanche et rouge, et Roy nous a accompagné jusqu’au soir, puis le lendemain jusqu’à l’écluse 39, avant Abbeyshrule.
Nous n’en sommes pas encore là, et nous continuons notre bonhomme de chemin – 6km/h, pas plus, tout le monde a été très clair là-dessus – sous un ciel plombé qui n’annonce rien de bon. Ça n’a d’ailleurs pas traîné, cinq minutes plus tard, le pont était lavé à grande eau, et le soleil reparaissait peu après. Il paraît que l’on appelle ça un régime d’averses. C’est en gros le temps que nous avons eu pendant toute notre croisière, et on comprend assez vite pourquoi tout est si vert… Maintenant, soyons franc : on ne vient pas en Irlande pour bronzer (et on a tort, sur l’eau ça marche quand même), mais pour ses paysages sublimes et la qualité de l’accueil de ses habitants, hors norme. Il faut simplement savoir que la pluie disparaît aussi vite qu’elle apparaît, il n’y a qu’à lever les yeux pour observer la course des nuages pour s’en convaincre.
Juste après le double pont Bord Na Mona, le paysage sur la droite ressemble à une tablette de chocolat gigantesque. Ce sont des champs de tourbe. Nous les retrouverons plus tard, vers Keenagh. Le canal continue, avec des berges taillées de frais. L’herbe est rase, et le bord est planté de multitudes de joncs et de roseaux divers. Nous sommes en quelque sorte seuls au monde dans tout ce vert. Nous n’avons pas croisé un seul bateau, et la nature s’offre dans un spectacle magnifique. Nous enchaînons les petits ponts de pierre grise et les écluses, toujours accompagnés de Roy et David, puis de Roy tout seul. Nous laissons sur notre gauche l’embranchement d’un canal abandonné : la Longford Branch, surnommée sur le panneau « le chaînon manquant (2) ». Il est coupé net, bordé par une ligne de roseaux. Après, la terre… mais on distingue encore les traces de ce canal qui reliait le « Royal » à Longford, la ville qui a donné son nom au Comté dans lequel nous nous trouvons.

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(1)Le meilleur moyen de se débarrasser d’une tentation c'est d'y céder.

(2)The missing link : humour anglais très caractéristique (littéralement le « lien » manquant).

 
   
Texte & photos : © JF Macaigne