En repartant, la Pénichette® passe sous les arches du pont St Laurent, qui relie Mâcon à St Laurent, sur la rive gauche. Ce pont date du 11e, et possède, dans une niche, une statue de St Nicolas, patron des bateliers.
A droite, un monstre futuriste : le A Rosa Luna, paquebot de croisière. Cent vingt cinq mètres de long sur onze de large. On pourrait presque faire tenir le Rully en travers !
Sept kilomètres plus loin, c’est le pont d’Arciat, véritable frontière entre deux régions viticoles : la Bourgogne et le Beaujolais. Nous entrons maintenant sur les anciennes terres des seigneurs de Beaujeu, dont le Beaujolais tire son nom. L’une des représentantes les plus célèbres de cette famille est incontestablement Anne de Beaujeu, fille de Louis XI et Régente de France pendant la jeunesse de son frère Charles VIII. Nous la retrouverons plus loin dans notre voyage, à Villefranche/Saône.
La Saône est au plus large : environ 300m, et le long des berges, un nombre important de familles de cygnes avec leurs petits. C’est à Villefranche que nous rencontrerons les plus charmants.
Sur les rives, le paysage n’a pas beaucoup changé depuis le départ. Les bords de Saône se déroulent, toujours verts, les vaches nous regardent passer sans grand intérêt, et nous continuons notre route, imperturbables. De plus en plus de terrains aménagés accueillent des bases nautiques, et les adeptes du ski nautique sont nombreux, surtout en fin de journée. Vigilance, donc…

SAINT-ROMAIN DES ILES
Nous passons l’Île d’Ancelle et arrivons à Saint-Romain des îles. C’est sur cette île que s’est préparé en 843 le traité de Verdun, qui partagea l’empire de Charlemagne entre les trois petits-fils de celui-ci. Charles le Chauve reçut l’ouest, de la Bourgogne à l’Atlantique, qui deviendra le royaume de France, Lothaire reçut la Francie médiane, de la mer du Nord à Rome, ainsi que le titre impérial, et Louis II de Bavière reçut l’Est, de Hambourg aux Carpathes. C’était la fin de l’Empire, et ce traité scella le destin de l’Europe. La Saône devint par ce fait l’une des frontières entre Francie occidentale et médiane. Lorsqu’on voit la taille du village, l’information surprend. Etonnant comme de si petits endroits peuvent avoir une si grande importance.
Juste à côté du petit port, s’épanouit un saule pleureur magnifique, sur un minuscule bord de quai avec des anneaux. L’endroit est magique, ombragé, paisible, et vous pourrez y ajouter tous les qualificatifs que vous voudrez une fois que vous aurez goûté à ses charmes, par exemple à l’heure du déjeuner. N’ébruitez pas trop l’affaire, car c’en est une, respectez les pêcheurs qui viennent parfois, et repartez sur la pointe des pieds sans déranger plus cette petite portion de paradis.
Le temps est au beau fixe, nous ouvrons en grand les deux toits coulissants de la 1260R, et le soleil rentre à flots. Vive le Beaujolais !

Voici la première des deux écluses qui nous attendent sur la Saône : Dracé. 185m de long et 12m de large. Attention : le port du gilet de sauvetage est obligatoire, et on le comprend. Les portes s’ouvrent à notre arrivée, et en moins d’un quart d’heure, c’est une affaire réglée. Merci aux éclusiers, dont on ne voit pratiquement que le bras qui fait bonjour en passant sous la cabine, tout là-haut !

MONTMERLE/SAÔNE
Sur la route de Villefranche, à gauche, Montmerle propose un long ponton avec eau et électricité, et une jolie place ombragée avec la statue d’un grand cheval gris clair. C’est la ville où la chanteuse Mick Micheyl s’est installée pour y faire ses brassages sur acier. La réputation de ses œuvres a maintenant largement dépassé les frontières du Beaujolais. Sur les berges, chacun essaie de récupérer un peu d’ombre, et nous salue bruyamment.
Nous continuons, toujours au grand air, et nous passons quelques maisons somptueuses sur les berges.

VILLEFRANCHE/SAÔNE
Ville de naissance de Teilhard de Chardin, de Maurice Baquet, de Danièle Mitterand, et de la Blédine, dont le nom rappellera probablement quelque chose à tous les anciens bébés des années 50. Joseph-Léon Jacquemaire, son inventeur, était né lui aussi à Villefranche. Saint Exupéry fit ses études (1914) au collège jésuite de Notre-Dame de Mongré.
Pour s’y arrêter, peu de solutions. La meilleure consiste à s’amarrer au ponton situé en amont du 3ème pont, et de prendre le bus* vers le centre ville. Le ponton vous permettra je l’espère, de rencontrer une famille en or : celle des cygnes et de leurs trois enfants, l’estomac toujours sur la brèche. A cet âge-là, on a besoin de se nourrir…
Au début du 12e siècle, les Archevêques de Lyon avaient envie d’étendre leur pouvoir et leurs terres en direction de celles des seigneurs de Beaujeu. Ils créent alors une nouvelle ville en 1140. En 1260, ils lui confèrent une charte de franchise, d’où la ville tire aujourd’hui son nom.
En descendant la rue Nationale, vivante et colorée, on passe devant l’ancien Hostel de Ville, dont une plaque indique 1660, et une autre mentionne que l’empereur Napoléon Ier passa ici le 13 mars 1815, soit 13 jours après son arrivée à Golfe-Juan, acclamé par 60 000 caladois** . Les Cent-Jours commençaient.
Pour rejoindre la nouvelle mairie, on passe par un traboule, et au passage, on admire la cour intérieure d’une maison de la moitié du 16e siècle, propriété de Claude Giliquin, avocat d’Anne de Beaujeu.
Toujours sur la rue Nationale, on arrive enfin à la collégiale Notre-Dame des Marais, perle gothique flamboyante construite entre la moitié du 12e et le début du 16e siècle. Elle fut édifiée sur des marais avec des pieux de bois en aulnes glutineux, comme ceux utilisés à Venise. Ils ont la particularité de durcir au contact de l’eau et d’être imputrescibles. L’endroit précis de la construction fut déterminé par la découverte d’une statue de la Vierge dont la copie, du 15e ou 16e siècle, se trouve sur le maître-autel.
Revenus au ponton, le ciel nous gratifie d’un coucher de soleil comme la Saône en a le secret, transformant l’onde à peine risée en
 tapis de velours rose orangé et bleu. A l’heure du dîner, c’est magique…