Le Müritz Sept
heures du matin, une odeur de café chaud me tire du lit. Salem
a réussi à s’extraire du sommeil plus vite que moi,
et a préparé le breuvage magique. Un coup d’œil
dehors : pas trop de vent, les vagues sont très raisonnables, bref,
c’est le moment ou jamais.
Après une douche chaude qui achève de me jeter dans les
réalités de ce monde, nous partons.
De l’autre côté du lac, nous croisons une pénichette
devant l’enfilade de chalets sur pilotis aperçue hier en
arrivant. Un petit bief, et nous nous présentons devant un nouveau
type d’écluse : à guillotine ! Le système est
redoutable d’efficacité : pourquoi s’ennuyer à
ouvrir des portes et à travailler contre le courant ? Il suffit
de lever l’ensemble, puis d’abaisser lorsque les bateaux sont
passés. Seulement à ce moment-là, bien sûr…
Je ne peux m’empêcher d’avoir un léger frisson
en passant dessous.
Un
dernier lac (Kleine Müritz) avant l’aventure : le vent commence
à souffler un peu, mais raisonnablement, et deux énormes
volatils nous survolent. Je ne sais pas au juste ce que c’est. Cigognes ?
Oies ? Grues ? Ce ne sont en tous cas pas des hérons,
qui volent rarement par paire, et qui replient leur cou en vol.
En voici un, justement, que l’on
dérange, sur la berge. Il est très gros, très gris,
très beau.
Les
berges du canal sont aménagées : les bords sont recouverts
de pierraille qui stabilise la rive, et empêche celle-ci d’être
dégradée par les vagues des bateaux qui circulent trop vite.
Et il y en a, croyez-moi ! Il faut admettre qu’un soin particulier
a été pris pour préserver la nature sur les voies
d’eau que nous avons empruntées, et nous en profitons. Bravo
aux administrations qui s’occupent de tout cela. C’est efficace,
et bien fait.
Nous dépassons
quelques filets de pêcheurs (s’en écarter le plus possible)
et… nous voici dans le Müritz ! Sur notre gauche, deux hommes
dans une barque achèvent de remonter avec peine une énorme
prise, probablement un brochet. Nous sommes extrêmement jaloux !
Le
vent souffle pas mal, mais c’est encore supportable. Ça tape
un peu de temps en temps, mais finalement, c’est assez agréable.
Je suis debout sur le pont supérieur, la barre à la main,
et j’avale les vagues les unes après les autres dans un réel
bonheur. Les nuages bas filent au-dessus de moi et laissent transparaître
un peu de bleu par instants.
Je jette un œil par le hublot qui donne sur le carré : en
bas, tout le monde lit ou discute sans prêter plus d’attention
à l’état de la « mer ». Il faut
dire que le paysage est un peu loin de nous, et que l’on ne distingue
pas grand-chose des rives.
Nous croisons quelques voiliers, et une grosse heure plus tard, barre
à bâbord, nous entrons dans le chenal de Röbel.
Tout
au bout, le clocher de l’église Sainte Marie et le vieux
moulin à vent derrière les toits se découpent sur
les nuages. Nous amarrons à un ponton flottant qu’il ne vaudrait
mieux pas emprunter un soir bien arrosé, et partons à la
découverte.
Une rue pavée bien sage nous grimpe à l’église
que nous voyions tout à l’heure. Toute en briques rouges,
elle date du XIIIème siècle, et le clocher se visite. Nous
en profitons pour y faire un panoramique de la vue environnante. L’escalier
de bois serpente dans la tour, passe autour des cloches, et aboutit finalement
à quatre balcons où règne un courant d’air
qui fait claquer les portes du clocher. L’effort valait le coup.
On voit bien le Müritz, tout le chenal, et même tout au loin,
l’autre rive.
Toute cette gymnastique nous a creusé l’appétit,
et, de retour au bateau, nous déjeunons sur le pont supérieur
pour la première fois depuis le début du voyage. Le ciel
a viré au grand beau, et, ma foi, tout ça est bien plaisant…
Après le café,
petite séance de clichés pour immortaliser l’étape,
si jolie avec ses hangars à bateau de bois à toits de chaume,
puis direction Waren, de l’autre côté du lac.
C’est le grand bonheur ! Les voiliers autour
de nous s’en donnent à cœur joie, avec cette brise soutenue
et revigorante, et nous traçons notre chemin à travers les
eaux bleues du Müritz. Sur la berge, un château profile des
tourelles. Nous nous approchons, curieux que nous sommes. C’est
un hôtel ! (A Klink, pour ceux que ça intéresse…).
A18 heures pile, nous entrons dans le port de Waren,
où nous allons passer la nuit (la nuit de Waren, bien sûr
!). Nous aurons mis un peu moins de deux heures pour traverser, y compris
le petit détour pour aller voir le « château »
sous le nez.