Vers dix heures, nous sommes enfin prêts…et reposés.
Nous franchissons le fameux pont, au milieu des joggeurs, des cyclistes,
et des nombreux chiens qui promènent leurs maîtres sur les
trottoirs de pierre de l’édifice. Les quatre écluses
se succèdent, sous les yeux d’un autour qui plane au-dessus
de nous. Un bon présage, paraît-il.
Après le troisième bassin, une dernière écluse,
un pont (on passe dessous), et hardi petit mousse, nous voici à pied
d’œuvre ! Celui qu’on nomme aujourd’hui « Canal
de Garonne » déroule ses grandes lignes droites paisibles
sur 195km, de Toulouse à Castets en Dorthe. Il fait suite (ou
précède, au choix) le Canal du midi, que nous connaissons
bien. La Garonne n’est pas loin, mais elle est trop imprévisible.
On l’aperçoit, de temps à autre, qui nous frôle,
mais pas pour longtemps : un peu avant Sérignac, elle s’écarte
de nous et nous snobe. Puisqu’elle ne nous voit plus, nous en profitons.
Nous déjeunons autour (encore ! décidemment…)
d’une table de bois installée sur les berges à l’entrée
de Sérignac.
Le paysage se déroule lentement le long des berges.
Les champs de colza plongent dans les bosquets verts, et dans les champs
de pruniers, des milliers de petits soleils blancs semblent pris au piège
dans des filets à papillons géants. Le Chic (c'est un village),
c’est
chic !
Il y a même un petit pont-canal qui enjambe l’Auvignon, juste
avant l’écluse. Quelques kilomètres plus loin, c’est
un autre pont-canal qui nous permet de jeter un coup d’œil
sur la Baïse, qui paresse en dessous de nous.
Les fermes ventrues aux grosses tours carrées se succèdent,
et nous atteignons bientôt Buzet, où l’on fabrique
le célèbre vin rouge, copain du confit et du cassoulet.
C’est un petit village écrasé par le soleil, qui
somnole sous les roucoulades des pigeons et quelques cris d’enfants.
Nous y effectuons les dernières courses de pré week-end
(le boucher a une viande qui vaut le voyage…), avant de reprendre
le bateau et de franchir le passage sous les yeux de Sophie, la belle éclusière,
qui nous donne les clés de la Baïse, ou plutôt de ses écluses,
sous la forme d’une carte magnétique attachée à une
plaque de liège. Si par hasard elle tombait à l’eau…
Dans les arbres, les geais nous accompagnent, curieux de notre intrusion.
Au milieu de toute cette végétation, Clairac (le nom de
notre Pénichette®) prend des airs d’African Queen,
et à la
barre, je rêve à Katherine Hepburn. Il est bientôt
sept heures et demi, et nous sortons les piquets. Quelques bons coups
de maillet, et nous voici fin prêts. Nous passerons la nuit au
cœur de la Baïse, au pied du château de Trenqueléon.
Joli nom, non de nom.
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