La rivière, qui déroule ses méandres, s’est
rétrécie depuis un moment, et lorsque nous croisons d’autres
plaisanciers, chacun surveille son côté bâbord. Ne
croyez pas une minute que la Baïse puisse être monotone, à la
longue. Juste avant une écluse, un pêcheur a planté un
parasol bleu et s’adonne à son occupation favorite. Heureux
homme !
Le sentiment « African Queen » éprouvé il
y a deux jours revient, encore plus fort. Nous nous enfonçons de
plus en plus vers les sources de la Baïse. L’absence totale
de rides sur la surface de l’eau atteste de la virginité des
lieux. Nous dirigeons-nous vers un nouvel eldorado, une nouvelle citée
perdue ? La nature est calme. Pas de cri d’animaux sauvage.
Pour l’instant, il n’y a pas trop de lianes, mais plus loin ?… De
temps à autre, un héron passe d’un bord de la rivière à l’autre,
comme s’il était fatigué du paysage. Les bosquets
de noisetiers se succèdent, les écluses étroites
aussi, et finalement, en fin d’après-midi, nous touchons
Condom. Le port est paisible, écrasé de langueur, à peine
troublé par
quelques canards qui remontent l’eau en file indienne.
D’ici partaient avant les gabarres chargées
d’étoffes
et de barriques d’armagnac vers Bordeaux et le monde entier. Maintenant,
dans la tiédeur de cette fin d’après-midi, Condom
se repose de toute activité passée aux lueurs dorées
du coucher du soleil. Les vieilles portes des rues étroites accompagnent
nos pas vers la cathédrale Saint-Pierre, perchée sur sa
colline. En face, deux jeunes se renvoient un ballon. Un ballon ovale,
bien sûr… Le geste est splendide, assuré, joyeux… et
je me prend de façon incongrue à penser à un œuf
de Pâques !
L’intérieur de l’église est pure dentelle.
Bossuet, qui en fut évêque deux ans, n’y vint jamais,
trop occupé à la cour. Tout à côté,
on découvre un très joli cloître dont certaines clé de
voûte et certaines parties des arcs sont encore décorés
comme à l’origine.
Un peu plus loin, l’Hôtel de Polignac, construit
en 1780, a conservé toute la majesté du grand siècle.
Il appartenait au Vicaire général de Metz, Grand Prieur
de Layrac,qui le fit construire pour 300 000 livres d’or.
Il est l’heure de dîner, la ville est calme, tout comme la
Baïse, qui coule sans une ride entre les piles du pont de Barlet.
Demain nous repartirons dans l’autre sens. Nous reviendrons par
Buzet, non sans faire une halte au médiéval Moulin de Barbaste.
Il est situé à quelques centaines de mètres de la
Baïse, sur un affluent : la Gélise. Malheureusement,
celle-ci n’est pas navigable. Il faut alors accoster quelque part,
de préférence près du pont de Bordes, grimper jusqu’à la
route, et parcourir les cinq cent mètres restants à pied.
On traverse le pont romain, et on peut visiter le moulin du 15 juin au
15 septembre, de 15h à 19h.
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