Dès potron-minet, nous larguons les haussières vers l’aventure
et les boucles de la Baïse.
Si vous êtes de nature curieuse et si c’est la saison, pendant
que vous patienterez à l’écluse de Nazareth, cherchez
donc sous les herbes de la petite île : vous risquez fort
d’y trouver quelques fraises des bois…
Sur le chemin qui longe la rivière, un petit Poucet malicieux
a semé des milliers de pâquerettes blanches et roses ;
C’est magnifique.
L’écluse de la Saubole se ferme en gémissant atrocement,
comme si un esprit était retenu captif à l’intérieur
même des lourdes portes de bois. L’impression est étrange,
pour ne pas dire bizarre. Vous avez dit bizarre, mon cher cousin ?
De
fait, lorsque vous serez aux abords de tous les ponts et de toutes les écluses qui jalonnent le cours d’eau, soyez très
attentifs car les passages sont extrêmement étroits. Quelques
centimètres à peine de chaque côté pour les
embarcations les plus larges. Il se produit assez logiquement un remous
conséquent lorsque les bassins se remplissent, et il est nécessaire
de bien tenir les haussières pour ne pas se faire trop chahuter.
Sur la berge de l’écluse de Pacheron, dans une grande maison
aux volets rouge et blanc, vit une dame hollandaise qui élève
toute une tribu de léonbergs, puissants, poilus, et magnifiques.
Ils accueillent les plaisanciers par un concert joyeux qui doit procurer à leur
propriétaire une certaine quiétude quand même…
Nous passons non loin de Fréchou, célèbre dans le
monde entier par son championnat de cracheurs de pépins de melon
(plus de 12m quand même !).
Nous fendons les flots
avec la régularité d’une
montre suisse à mouvement lent, et jouons un peu avec les canards.
Ces derniers frôlent la Pénichette, pour venir se poser
devant, dans une savante glissade, toutes ailes déployées,
comme un sloop en haute mer. C’est alors que le jeu commence. Le
principe est simple :
le canard est devant l’étrave,
semblant paresser sur l’eau vert pâle. Lorsque nous arrivons
trop près à son goût, il décolle au ras de
l’eau
et se pose cinquante mètres plus loin. On recommence comme ça
quatre ou cinq fois, et quand Donald (tout autre nom conviendra) pense
qu’il s’est suffisamment éloigné de son point
de départ, il s’envole pour de bon, contourne la péniche
et revient là où il était au début, en espérant
qu’il n’y ait pas tout de suite d’autre bateau. Un
peu de sport, d’accord, mais il ne faudrait pas exagérer.
En deux mots, le canard narquois nargue. C’est sa vie.
Nous
passons l’écluse de Moncrabeau, sans voir le village.
Il y survit une tradition qui vient tout droit du XVIIIème siècle.
A cette époque, où les médias n’étaient
pas ce qu’ils sont aujourd’hui, les Moncrabelais se mirent à inventer
des histoires, afin de remplacer les nouvelles qu’ils ne recevaient
pas.
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Un moine de Condom, impressionné, créa avec quelques
bourgeois de la ville une « académie des menteurs »,
qui réunissait "..tous les hâbleurs, nouvellistes
et menteurs qui s'exercent dans le bel art de mentir finement sans porter
préjudice à autre qu'à la vérité,
dont iceux font profession d'être des ennemis jurés".
La confrérie existe toujours, et élit son roi tous les
premiers dimanches d’août. On y vient de partout… C’est
un charmant petit village, où vous amuserez à dénicher
la rue Cocu-saute, la Mentherie royale de Monsieur Lapuce, ou la place
du Port. Un vrai programme…
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