Après Lavardac et l’écluse de Saint-Grabary, la
Baïse se rapetisse quelque peu, et les écluses se font plus étroites,
et nous devons relever les pare-battes pour être en mesure de pénétrer
entre les hauts murs de pierres luisantes. J’ai depuis le début
une passion pour ces pierres qui sont toutes des tableaux abstraits magnifiques.
Sur la droite, une ruine immense et magnifique, aux murs que l’on
sent chargés d’aventures et d’Histoire ; C’est
le château de Séguinot, immense vaisseau de pierre solitaire
et magnifique. Construit au XVIème siècle, il avait été offert
par Henri IV à François Lanoue, le célèbre « Bras
de fer ». Après le siège de Fontenay-le-Comte
en 1570, où il avait perdu le bras gauche, un mécanicien
de La Rochelle lui avait confectionné une prothèse en métal
pour lui permettre de se tenir à cheval..
En bas, sur la rivière, un martin-pêcheur
joue avec nos nerfs. Il s’envole à notre approche, petit
fantôme
bleu électrique et jaune orangé, qui fuit au ras de l’eau
d’arbre en arbre, impossible à photographier.
A l’écluse de Sorbet, la maison est à louer. Nul
doute qu’elle trouve preneur cet été.
Séduits par le Pont Vieux et les maisons alentour, nous passerons
la nuit à Nérac. Auparavant, une visite de la ville s’impose.
Autour du pont, quelques vieilles demeures permettent d’imaginer
la ville telle qu’à l’époque où le jeune
Henri de Navarre, pas encore Henri IV, s’essayait aux joies de
l’amour et du hasard : la maison de Sully, celle où Calvin
séjourna lorsqu’il était le directeur de pensées
de Jeanne d’Albret, la mère d’Henri. Depuis 1527,
sous la houlette de Marguerite d’Angoulème, sœur de
François Ier et mère de Jeanne, Nérac est l’un
de ces lieux où souffle l’esprit : Outre Calvin, on
y croisa Clément Marot, et Lefèvre d’Etaples. En
1572, Henri épouse Marguerite de Valois à Paris, et c’est
la Saint-Barthélemy. Henri patientera quatre ans avant de s’enfuir
de la capitale pour revenir à Nérac. Il y développera
une cour de plus de trois cents personnes. On y verra Montaigne, Agrippa
d’Aubigné, Salluste du Bartas se promener dans les jardins
du Parc Royal de la Garenne, face au château. Un château
Renaissance dont il ne reste plus que l’aile Nord, petite merveille
ciselée. Autour, et de l’autre côté de la rivière,
c’est une promenade dans le temps qui vous attend, entre les vieux
murs et les colombages. Partout s’attache le souvenir d’Henri
avant qu’il ne reparte vers Paris en août 1579 : lorsque
vous repartirez vers Moncrabeau en longeant le Parc royal de la Garenne,
ayez une petite pensée pour Fleurette, la jolie jardinière,
qui se noya à cet endroit par amour pour le roi. La légende
veut que « conter fleurette », et plus tard « flirter »,
après un passage par l’Angleterre, aurait cette jolie fille
pour origine…
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