Sept kilomètres
et demi. Autant dire presque rien. Un petit bout de Vilaine – c’est joli la Vilaine - et embranchement à gauche
pour le canal de Nantes à Brest. Mais avant …
Avant, une halte obligée et de préférence le soir.
Un premier soir, par exemple. Au pied d’une butte couverte d’arbres,
un ponton accueille une dizaine de bateaux. Sur la butte, cachée
dans les arbres, les ruines d’une formidable forteresse. Elle appartenait
aux Rieux, l’une des familles les plus puissantes de Bretagne avec
les Rohan. L’histoire de cette famille commence avec Rudalt, comte
de Vannes et fils du roi de Bretagne vainqueur des Vikings Alain le Grand,
mort en 907. Les seigneurs de Rieux siègent à la droite
du duc de Bretagne, guerroient glorieusement aux croisades, sont Maréchaux
de Bretagne et de France, et s’allient aux plus grandes et plus
riches familles de France.
Ils vont construire cette forteresse oubliée que racontent si bien les multiples
petits panneaux disséminés le long du chemin qui serpente
dans la petite colline. L’histoire de ces grands pans de murs encore
debout enseigne la construction du château, et fait revivre la
vie de l’époque sur des petits tableaux de proche en proche.
De plus, d’autres panonceaux enseignent à ceux qui le désirent
la botanique locale, le nom des arbres et des arbustes de la butte. D’en haut, entre les arbres, on aperçoit la Vilaine. Tout
est calme et paisible. Deux jeunes couples jouent à la pétanque.
Plus loin, une fumée légère monte d’un barbecue
dans le soleil qui se couche lentement.
Ce moment de bonheur, statistiquement,
ne pouvait pas durer. Il faut croire que les statistiques engagent des
pollueurs de paix pour briser parfois les moments heureux. L’abruti
de service ce jour-là est arrivé, pétaradant sur
sa moto de cross. Il a fait son rodéo quelques minutes sur le
parking qui longe le port, puis il est reparti, content de lui. Tous
ceux qui prenaient tranquillement l’apéritif dans le crépuscule
sur les ponts des bateaux à quai ont alors pensé à la
même chose. Une baignade forcée, une panne, une crevaison
ridicule… les souhaits sont montés vers le ciel comme des
graines de pissenlit un jour de brise. Un jour viendra peut-être
où il roulera sur un clou.
Le lendemain matin aux aurores, il est revenu exercer son passe temps imbécile
et nous tirer du lit chaud. L’occasion de jeter un œil à l’extérieur.
La lumière du petit matin était sublime. Je suis sorti
faire quelques clichés et suis tombé sur une bonne cinquantaine
de cyclistes en VTT qui grimpaient sans poser pied par terre la pente
raide de la butte du château que nous avions gravi la veille en soufflant. Ils
plaisantaient, souriant dans l’effort, et je suis resté idiot à les
regarder, avec mon appareil, ma vie de citadin et mes kilos en trop.
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