Cap sur le canal
En quittant Rieux, il faut remonter la Vilaine, revenir sur quelques
centaines de mètres puis tourner à droite en épingle à cheveux
et s’engager dans la petite écluse des Bellions, vestibule
du canal de Nantes à Brest de côté-ci de Redon.
La porte aval est assez particulière : elle ne se trouve
qu’à quelques centimètres de la surface de l’eau,
s’enfonce ou se relève suivant qu’on l’ouvre
ou qu’on la ferme, et vient se placer à l’horizontale
sur le fond en position ouverte.
Ce sont tout d’abord de longues lignes droites entre boqueteaux
d’un côté et chemin de halage de l’autre. Ce
parcours est magnifique. Il surplombe légèrement le canal
le plus souvent, est entretenu avec soin et permet le dimanche de faire
de grandes balades revigorantes, accompagné par le chant des merles.
Les hérons semblent apprécier l’endroit. J’en
ai rarement vu autant sur un trajet aussi court. A chaque fois c’est
l’émerveillement : un bruissement d’ailes grises
et blanches et le maître des berges s’élève
au dessus de l’eau, puis file vers les arbres se réfugier.
Le cadre est véritablement bucolique et paisible. Soudain, une
ride fend l’eau. C’est un ragondin qui laisse entrevoir sa
fourrure mouillée.
Un peu avant Guenrouet, le canal s’élargit et reprend
un visage de rivière. Au vu des multiples cercles qui s’élargissent à la
surface de l’eau, l’endroit a l’air poissonneux.
En fait, plus on se rapproche des petits villages qui jalonnent le trajet,
plus les pêcheurs sont nombreux. Nous ralentissons et tentons une
approche originale : « ça mord ? ».
La réponse est invariable : « un petit peu…. ».
Ou encore pas de réponse du tout. Malgré nos efforts pour
passer devant eux le plus lentement possible, nous dérangeons.
Je suis même passé au point mort, à l’allure
d’un escargot somnolant, devant un type en chemise de bûcheron
qui me faisait de grands signes du plat de la main pour que je ralentisse
encore. La prochaine fois, c’est promis, je m’arrête
complètement devant lui et j’attend. Quand il me fera signe
de partir, je dirai : « chut ! »
Nous déjeunons à Guenrouet, face au petit port dans lequel
nous nous amarrerons au retour. Le village est charmant et vaut bien
une petite balade digestive, surtout si vous allez visiter la cidrerie
Kérisac, où vous apprendrez les cinq variétés
de pommes à cidre, et la manière d’en tirer le meilleur.
Nous repartons dans un canal tourmenté, qui serpente entre les
prés et les boqueteaux. La surface de l’eau est totalement
plate. Pas une ride ne vient la troubler. Les racines s’entrelacent,
se chevauchent, et quelques branches tombées à l’eau
créent des figures géométriques parfaites.
Au retour, nous passerons la nuit vers le pk 60, au milieu d’une
colonie de ragondins très occupés et assez peu farouches.
Un moment rare… Pour le moment, nous continuons dans un paysage
en fête. La nature se pare de ses couleurs printanières
et nous en profitons largement. Nous stoppons vers 19 heures : c’est
la fermeture des écluses et l’heure de l’apéritif.
Nous plantons les piquets, et admirons un coucher de soleil que seuls
ceux qui couchent loin des villes connaissent. Personne autour, les oiseaux
se taisent, le calme revient… je ne connais pas de meilleures
nuits que celles-là.
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