Blain est très certainement une des haltes qu’il ne faut
pas manquer entre Redon et Nantes. Juste avant le pont, un petit port
accueille une vingtaine de bateaux.
En ville, le musée des Arts et des Traditions Populaires, face à l’église,
propose une plongée dans les années 1900 tout à fait
spectaculaire, et une collection de fèves (celles qu’on
met dans les galettes des rois) assez extraordinaire. Il y en a plus
de 20 000 ! J’allais oublier une collection de crèches
du monde entier et un rassemblement d’objets gallo-romains retrouvés
sur le site de la ville.
L’attraction principale reste néanmoins la formidable forteresse
d’Olivier de Clisson. Le premier château fut bâti en
1104 par le duc de Bretagne Alain IV Fergent. C’est Olivier V de
Clisson (1336-1407), celui-là même qui repose à Josselin,
qui fera de cette forteresse l’une des plus importante des Marches
de Bretagne. Douze tours, sur quatre hectares de terrain. Certaines de
ces tours sont véritablement impressionnantes par leur circonférence.
On pourrait probablement y faire tenir quatre pavillons de banlieue à l’aise… La
fille d’Olivier, Béatrix, épousera en 1407 Alain
VIII de Rohan et le château passera ainsi aux Rohan. Il restera
ainsi jusqu’en 1628, où Richelieu le fit démanteler.
L’aile nord du château, le Logis du Roi, se présente
comme une élégante bâtisse renaissance du 15e, aux
fenêtres à pilastres, remaniées au XIXe par Marie
Bonaparte. Le château est fermé le lundi, tout comme le musée,
mais rien ne vous interdit de vous promener autour et de ressentir la
puissance de l’endroit.
Après Blain, le canal tourne un peu, pas trop, juste de quoi donner
aux yeux des visions renouvelées, et, avant le modeste village
de Glanet, il passe sous une autoroute, ou du moins une route à forte
circulation. L’effet est étrange. A force d’écouter
le silence et les chants des oiseaux, mes oreilles avaient oublié en
moins de trois jours que les voitures pouvaient faire autant de bruit.
Juste à la sortie du village, nous longeons un petit lac qui baigne
un parc de loisirs : c’est le réservoir de Bout-de-Bois,
au nom rigolo. A partir de ce moment, le canal descend vers Nantes, et
les écluses deviennent avalantes.
Nous passons la nuit à l’Hôtel cent mille étoiles
un peu avant l’écluse du Paudois. Un bonheur inégalable.
Pas un moteur, pas un bruit mécanique. Un chien aboie dans le
lointain. Sa manière de saluer le crépuscule qui s’annonce.
Le soleil n’est plus qu’un disque rouge orangé qui
enflamme les arbres. La nature entière se tait, admirant l’artiste.
C’est beau, simplement beau. Nous rentrons au chaud dans
le carré.Nous sommes encore en avril. C’est ce qui est bien
dans le tourisme fluvial : on peut « vivre sa planète » à un
rythme naturel et se mettre à l’écoute du monte incroyable
qui nous entoure. Simplement. On peut être peintre de ses loisirs.
Croyez-moi, ces moments là valent tout l’or du monde. Au
menu ce soir : blinis et saumon fumé, arrosé d’un
Meursault souvenir du voyage en pénichette en Bourgogne l’année
dernière. Que du bonheur.
Dehors un concert a commencé. Je suis maintenant en mesure de
confirmer que les grenouilles sont aussi des animaux nocturnes. A moins
qu’il n’y ait eu sur place un night-club pour grenouilles
et crapaud. Ou encore qu’elles ont des insomnies, ou sont somnambules.
Tout le bateau s’est interrogé longtemps avant de s’endormir.
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