|
|||||||||||||||||||||||||||||||||||||
|
|||||||||||||||||||||||||||||||||||||
Tout de suite après la sortie, le chef nous a réservé une surprise : Le pont-canal de l’Orb, surplombant la rivière. Derrière nous, les hauts murs romans de l’église Saint Jacques (907), et les tours crénelées de la cathédrale Saint-Nazaire (XIIIe). Le spectacle est saisissant. De l’autre côté, caché dans les arbres, une petite gentilhommière à tourelle. Au bout du pont, le paysage change : les cyprès remplacent les platanes. Une longue ligne droite, un tournant, et nous arrivons à l’une des « attractions » de la croisière : l’écluse de Fonserannes. Tout commence, face au virage, par un ascenseur à bateau, hélas hors service. Dommage, j’aurais adoré… La suite n’est quand même pas si ordinaire : une écluse à sept niveaux (en fait, neuf, mais deux ne sont pas opérationnels). Vous avez bien lu ! Autant dire que tout le monde ne passe pas en même temps, et qu’il y a du monde pour observer… Renseignez-vous sur les horaires de passage, ils sont impératifs, et déterminent votre emploi du temps. C’est l’une des raisons pour lesquelles nous ne nous sommes pas attardés à Béziers, mais qu’à cela ne tienne, nous reviendrons, c’est promis.
Fonserannes fonctionne sous
la houlette de deux éclusiers seulement : Alain et Bob. Avec le
sourire, ils vous guident tout le long de la remontée (ou de la
descente), vous facilitent la tâche, vous donnent des conseils…
La grimpette se transforme miraculeusement en partie de plaisir. Un gros
jouet pour adulte. 25 mètres de dénivelé sur 315
mètres de long. Ce chef d’œuvre de Paul Riquet, réalisé
dans sa ville natale, est un véritable escalier aux marches géantes,
dans lesquelles les bateaux s’engagent, les unes après les
autres. Une
fois sortis de l’aventure, nous stoppons près d’un
champ, sortons les piquets, et faisons une halte « sauvage ».
Ce sont celles que je préfère. Le seul bruit est celui des
abeilles et des oiseaux qui symphonisent. Le soleil transforme le paysage
en joie pure, le calme s’installe, s’insinue au plus profond
des êtres. Il est midi. Tout va bien. Quelques méandres paresseuses,
et nous voici à l’entrée du Souterrain de Malpas.
Décidemment, cette journée est riche en aventures ! Ce tunnel
de 170 mètres, le premier jamais percé pour un canal, le
fut quelques mois avant la mort de Riquet. Il franchit la montagne d’Ensérune
et permet ensuite d’arriver sur Argens sans passer une seule écluse.
Un bief de 54 km jusqu’à Béziers ! Il devient nécessaire de s’arrêter. Même avec une bonne paire de lunettes de soleil, il devient impossible de voir ce qui vient de face. Je sens le regard réprobateur d’une mère canard qui surveille sa marmaille, j’évite un house-boat et finalement, stoppe le bateau à l’ombre des platanes. Un peu fatigués par les derniers kilomètres, nous ne songeons qu’à nous détendre, et prendre le dernier apéritif sur le pont supérieur, en contemplant le soleil couchant et de longs rubans rosés. La nuit est splendide, sous un dais de millions d’étoiles, et une pleine lune qui se mire dans les eaux du canal. Le lendemain, réveil avec les poules (les poules d’eau,
bien sûr…). Il faut être à Argens avant la fin
de la matinée. Nous écartons les rideaux du carré,
doucement. L’aube se fait subtilement présente, de plus en
plus. Au début, ce n’est qu’une lueur rose-orangée
à la lisière des berges, qui fond sur le bleu profond du
ciel et du canal. La brume se matérialise, flottant par nappes
sur les eaux calmes. Puis, d’un coup, un éclat jaune orangé
vif et puissant perce l’horizon derrière les vignes. Il n’y
a pas un nuage à l’horizon. Sans bruit, de peur de déranger le bel ordonnancement de cette nature si irréprochable, nous nous éloignons délicatement, sachant par avance que nous allons rompre le miroir parfait des eaux. A une centaine de mètres, une autre perfection nous attend. Elle se nomme Pont de Pigasse. Glycines et tuiles rouges se mirent dans l’onde. Nous passons discrètement sous le pont. Tout est dit. Sur notre gauche, dans l’azur, se détachent
au fond les Pyrénées enneigées. C’est le Canigou
qui nous salue de loin. Devant lui, une troupe d’immenses oiseaux
blancs bizarres : une ferme d’éoliennes qui coiffent une
colline derrière les vignes. Nous continuons notre chemin, à
l’intérieur de l’un des plus beaux tableaux qu’ils
nous ait été donné de contempler dans ce voyage.
Platanes entre ciel et eau, reflets parfaits les uns des autres, sans
pouvoir distinguer lesquels se mirent dans les autres. Il est temps d’arriver. Trop d’émotions, ça fatigue… A Argens*, Sabine, à l'accueil de la base, nous attend. Nous l’avions rencontré lors de notre descente depuis Toulouse, il y a deux ans. C’est un peu comme si nous ne nous étions jamais quittés. Rien ne change. Les drapeaux sont toujours là, le sourire aussi, comme une bannière, et les histoires. Cette fois, c’était celle d’un toutou perdu qui a trouvé maîtresse en Allemagne. Je vous le disais : Les plaisanciers, c’est une grande famille ! * Voir notre reportage "Le Canal du Midi" |
Texte:
J-F Macaigne Photos : J. Cloarec @ J-F Macaigne |
|