De Lattes à Aigues-Mortes - De Aigues-Mortes à Palavas - De Palavas à Sète - Sète - Etang de Thau - Des Onglous à Béziers - De Béziers à Argens
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dscf2986dscf2992Tout de suite après la sortie, le chef nous a réservé une surprise : Le pont-canal de l’Orb, surplombant la rivière. Derrière nous, les hauts murs romans de l’église Saint Jacques (907), et les tours crénelées de la cathédrale Saint-Nazaire (XIIIe). Le spectacle est saisissant. De l’autre côté, caché dans les arbres, une petite gentilhommière à tourelle. Au bout du pont, le paysage change : les cyprès remplacent les platanes. Une longue ligne droite, un tournant, et nous arrivons à l’une des « attractions » de la croisière : l’écluse de Fonserannes.

Tout commence, face au virage, par un ascenseur à bateau, hélas hors service. Dommage, j’aurais adoré… La suite n’est quand même pas si ordinaire : une écluse à sept niveaux (en fait, neuf, mais deux ne sont pas opérationnels). Vous avez bien lu ! Autant dire que tout le monde ne passe pas en même temps, et qu’il y a du monde pour observer… Renseignez-vous sur les horaires de passage, ils sont impératifs, et déterminent votre emploi du temps. C’est l’une des raisons pour lesquelles nous ne nous sommes pas attardés à Béziers, mais qu’à cela ne tienne, nous reviendrons, c’est promis.

 

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Fonserannes fonctionne sous la houlette de deux éclusiers seulement : Alain et Bob. Avec le sourire, ils vous guident tout le long de la remontée (ou de la descente), vous facilitent la tâche, vous donnent des conseils… La grimpette se transforme miraculeusement en partie de plaisir. Un gros jouet pour adulte. 25 mètres de dénivelé sur 315 mètres de long. Ce chef d’œuvre de Paul Riquet, réalisé dans sa ville natale, est un véritable escalier aux marches géantes, dans lesquelles les bateaux s’engagent, les unes après les autres.
Autant préciser qu’il est nécessaire de bien tenir l’haussière, car le courant est violent à l’intérieur des différents bassins ovoïdes !

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dscf3030dscf3036dscf3039Une fois sortis de l’aventure, nous stoppons près d’un champ, sortons les piquets, et faisons une halte « sauvage ». Ce sont celles que je préfère. Le seul bruit est celui des abeilles et des oiseaux qui symphonisent. Le soleil transforme le paysage en joie pure, le calme s’installe, s’insinue au plus profond des êtres. Il est midi. Tout va bien.
Tout finit par s’achever. Même les plaisirs intenses. Nous naviguons de nouveau à l’intérieur de la toile impressionniste de maître Riquet. Les reflets toujours changeants, les couleurs, des violentes au plus suaves, les lumières et les paysages sans cesse renouvelés développent un film incessant. Un cavalier solitaire croisé l’espace d’un moment, irréel, nous appelle à la rêverie, et le paysage qui se déroule en contrebas du canal a des airs de vallée de montagne.

Quelques méandres paresseuses, et nous voici à l’entrée du Souterrain de Malpas. Décidemment, cette journée est riche en aventures ! Ce tunnel de 170 mètres, le premier jamais percé pour un canal, le fut quelques mois avant la mort de Riquet. Il franchit la montagne d’Ensérune et permet ensuite d’arriver sur Argens sans passer une seule écluse. Un bief de 54 km jusqu’à Béziers !
dscf3047Personne en face… nous nous engageons, et pendant quelques secondes, avons un peu l’impression d’être dans le tunnel des amours à la fête à Neu-Neu. Personne n’en profite, et bientôt le soleil resplendit de nouveau. Le canal furète, après. A gauche, à droite… Pour l’homme de barre, c’est un exercice stimulant. Nous laissons sur notre gauche Capestang, et sa collégiale Saint-Etienne (XIVème). J’essaie d’apercevoir des traces du Capitan, mais en pure perte. Michel Zevaco semble bien être dans son purgatoire…
Le canal, à flanc de colline, semble être pris de folie. On se croirait, toutes proportions gardées, au circuit de F1 de Monaco. Les virages succèdent aux virages, le soleil, face à nous, crée des flaques de lumière éblouissantes, et fuse à travers les feuilles des platanes. La sensation est bizarre, on se croirait dans une route de montagne en lacets, et le canal donne l’impression d’être en pente.

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Il devient nécessaire de s’arrêter. Même avec une bonne paire de lunettes de soleil, il devient impossible de voir ce qui vient de face. Je sens le regard réprobateur d’une mère canard qui surveille sa marmaille, j’évite un house-boat et finalement, stoppe le bateau à l’ombre des platanes. Un peu fatigués par les derniers kilomètres, nous ne songeons qu’à nous détendre, et prendre le dernier apéritif sur le pont supérieur, en contemplant le soleil couchant et de longs rubans rosés. La nuit est splendide, sous un dais de millions d’étoiles, et une pleine lune qui se mire dans les eaux du canal.

Le lendemain, réveil avec les poules (les poules d’eau, bien sûr…). Il faut être à Argens avant la fin de la matinée. Nous écartons les rideaux du carré, doucement. L’aube se fait subtilement présente, de plus en plus. Au début, ce n’est qu’une lueur rose-orangée à la lisière des berges, qui fond sur le bleu profond du ciel et du canal. La brume se matérialise, flottant par nappes sur les eaux calmes. Puis, d’un coup, un éclat jaune orangé vif et puissant perce l’horizon derrière les vignes. Il n’y a pas un nuage à l’horizon.
En se tournant de l’autre côté, le rose exulte, barbouille les troncs des platanes, peint les feuilles, les eaux, le ciel. C’est le retour de l’astre.
Le bol à la main, nous contemplons, ahuris, le paysage dans lequel nous avons passé la nuit. En bas du talus, des vignes, et au fond du champ, devant une lisière d’ifs et de pins, une étrange bâtisse, qui tient à la fois du mas et de la chapelle ottomane. Dans le champs, un grand chien de berger fait son tour matinal.

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Sans bruit, de peur de déranger le bel ordonnancement de cette nature si irréprochable, nous nous éloignons délicatement, sachant par avance que nous allons rompre le miroir parfait des eaux. A une centaine de mètres, une autre perfection nous attend. Elle se nomme Pont de Pigasse. Glycines et tuiles rouges se mirent dans l’onde. Nous passons discrètement sous le pont. Tout est dit.

Sur notre gauche, dans l’azur, se détachent au fond les Pyrénées enneigées. C’est le Canigou qui nous salue de loin. Devant lui, une troupe d’immenses oiseaux blancs bizarres : une ferme d’éoliennes qui coiffent une colline derrière les vignes. Nous continuons notre chemin, à l’intérieur de l’un des plus beaux tableaux qu’ils nous ait été donné de contempler dans ce voyage. Platanes entre ciel et eau, reflets parfaits les uns des autres, sans pouvoir distinguer lesquels se mirent dans les autres.
A Argeliers, une impression bizarre : Le canal fait un coude très serré, et nous nous retrouvons l’espace d’un instant au coude à coude, simplement séparé de quelques mètres de talus, avec un bateau que nous venons de croiser. Plus rien ne nous étonne, pas même de retrouver, sur un pont au village du Somail, accoudés au parapet, nos copains autrichiens, à côté d’un palmier.

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Il est temps d’arriver. Trop d’émotions, ça fatigue… A Argens*, Sabine, à l'accueil de la base, nous attend. Nous l’avions rencontré lors de notre descente depuis Toulouse, il y a deux ans. C’est un peu comme si nous ne nous étions jamais quittés. Rien ne change. Les drapeaux sont toujours là, le sourire aussi, comme une bannière, et les histoires. Cette fois, c’était celle d’un toutou perdu qui a trouvé maîtresse en Allemagne. Je vous le disais : Les plaisanciers, c’est une grande famille !

* Voir notre reportage "Le Canal du Midi"

   
Texte: J-F Macaigne
Photos : J. Cloarec @ J-F Macaigne