Les « camions » et « camionnettes »
Les bateaux que l’on rencontre le plus à Venise sont les « camions ». Des camions aquatiques, bien sûr. La plupart sont des Mototopi, des Comacina, ou des Bragozzi, fabriqués depuis des lustres à Chioggia. Ils étaient dans l’ancien temps peints de couleurs vives et munis de deux mats et voiles auriques trapézoïdales. Tout en bois, ponté, entre 10 et 14m de long pour une largeur variant entre 3 et 4,20m, une énorme barre franche à l’arrière, et un tirant d’eau très faible, le bragozzo a longtemps égayé de ses couleurs les canaux de la Sérénissime. Il continue. Il sert à tout, ou presque. On en voit encore quelques-uns dans la lagune, peints et décorés « à l’ancienne », qui servent au transport de touristes entre les îles. Les autres sont les bons à tout faire de Venise : déménagement, livraisons en tout genre, transport de matériaux de construction, transport de bagages pour les grands hôtels, etc…
« Roby », celui de Valerio Trevisan, coque noire et blanche et pont rouge vif, est propulsé par un gros Ford de 150cv.Depuis trente ans, il lui sert à transporter un peu n’importe quoi. Une grosse camionnette. Presque un camion. Car il ne faut pas oublier une chose : à Venise, les « rues » ne sont pas larges. Pour livrer, il faut donc être étroit, et savoir jouer des coudes. Il faut voir Valerio jongler avec son collègue au moment du débarquement des colis. Ils ont intérêt à faire très vite, car la plupart du temps, on ne peut pas s’éterniser à quai. Ensuite, on redémarre livrer ailleurs. C’est la vie vénitienne.
Au chapitre des barques plus importantes en taille, citons, la Caorlina, magnifique, avec sa proue relevée, la Comacina, et la Peata, un modèle ancien qui a supprimé ses belles voiles auriques et s’est adapté comme les autres aux propulsions modernes. Si vous voulez admirer une Peata qui œuvre toujours, allez faire un tour près du Ponte dei Pugni, à côté de l’église San Barnaba, dans Dorsoduro. Depuis cinquante ans, Ernesto, le sourire aux lèvres, vend ses légumes superbes dans son bateau Mario 1, à quai. Un régal !

Cet article est paru dans le magazine FLUVIAL n°196, en octobre 2009.
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