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En
fin de matinée, nous levons l’ancre, et reprenons le Zaan.
Nous croisons quelques beaux bateaux, et admirons le long des berges
des demeures hollandaises magnifiques, dont les petits jardins impeccablement
entretenus font l’admiration de tout le bateau. Voilà la
différence pour ceux qui voyagent en péniche : on voit
« l’autre côté » des maisons. Celui que
les occupants gardent pour eux. Leur jardin secret, en quelque sorte…
La vision n’est pas la même vue de la rue ou du chemin.Et
la lenteur du voyage donne le temps d’apprécier, de se
remplir l’œil de toutes ces merveilles. Un peu comme lorsque
l’on marche, et que l’on découvre les jardins, les
chats aux fenêtres, les arrangements floraux, et l’intimité
des hommes. C’est ainsi que se forge l’idée d’une
communauté humaine sans limite, avec ses sourires, ses bonjours,
ses signes de la main. Tous frères et sœurs dans nos jardins,
à surveiller nos fleurs, nos fruitiers, à guetter les
papillons et se régaler du chant des oiseaux.
Le cours du voyage se déroule lentement sur tapis d’eau
calme, et visions fugaces de reflets de roseaux. Les poules d’eau
s’affairent, c’est la saison des amours.
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Soudain,
une usine, rutilante et tubesque. L’entrepreneur, sans doute,
a fait ériger sur le faîte du château d’eau
un aigle de pierre gigantesque, qui nous toise, toutes ailes déployées,
symbole de la conquête du monde.
Nous sommes sur les rives de Zaanstadt. Une ville moderne dont les quais
regorgent de bateaux anciens et récents, certains magnifiques,
comme cette goélette, toute de bois vêtue, aux mâts
et vergues attendant un départ improbable.
Nous
prenons plus loin le canal du Vinkenhop sur la droite, et poursuivons
notre route vers Edam, la prochaine étape, demain.
De nouveau, la campagne et ses petits embarcadères de bois noircis,
embouchures minuscules de petits ruisseaux attirants, et population
de canards, poules d’eau et hérons. Les pommiers sont en
fleurs, et les roseaux gardent jalousement les amours aviennes par delà
les planches grises des bords de rive.
Çà et là, de petits cafés du bord de l’eau
attendent leurs habitués de fin d’après-midi, à
l’heure où le soleil se couche, lorsque le calme se fait,
et une bonne bière à la main, on peut enfin se reposer
du jour, en regardant passer les bateaux ou les touristes en péniche
(!), et rêver à la paix.
Plus loin, dans les champs, les moulins aux toits de chaume, grands
voiliers verticaux, sont les sentinelles bienveillantes de cette Hollande
calme. C’est l’heure où les cyclistes flânent,
et profitent des derniers rayons du soleil qui font danser les vaguelettes
sur les canaux tranquilles.
Nous amarrons « Loosdrecht » à un petit appontement
désert au milieu des arbres, avec pour toute compagnie un autre
bateau vide, qui profite comme nous de la gratuité des lieux
et de leur solitude.
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