Pour
une virée à Berlin sur la Spree, Spandau est une bonne
base de départ depuis l’ouest.
En une grosse heure, on atteint le centre ville en remontant le Havel
puis la Spree, via Charlottenburg. La balade commence au milieu des
kayacks et des avirons, accompagnés par leurs bateaux suiveurs,
qui les encouragent au porte voix. On dépasse quelques maisons
bordées de saules, petits havres de paix dont les pontons s’ouvrent
sur le Havel, puis de belles usines (Eh oui ! Ça existe !) qui
reflètent
le soleil, et voici l’écluse de Charlottenburg.
On ne remarque pas l’éclusier, qui gère ses plaisanciers
et ses bateaux de commerce avec mæstria, mais lui nous voit très
bien. Souriez, vous êtes filmés.
La grande porte s’enfonce lentement sous la surface, vous avez la clef pour Berlin. Virage à angle
droit sur la Spree, sous le pont de chemin de fer, et la visite commence en
longeant le parc du château de Charlottenburg, où les joggeuses fraternisent avec les oies sauvages pendant les pauses. La demeure des rois de Prusse est noyée dans les arbres, tout juste si l’on aperçoit de temps à autre
une coupole ou un toit.
Si vous y revenez à pied, vous chausserez des patins de feutre pour franchir les miroirs des parquets, qui reflètent les incroyables collections du cabinet des porcelaines, ou les grandes glaces entourées d’or. L’atmosphère y est baroque et roccoco, certainement un peu étouffante, mais somptueuse. Au premier étage, les amateurs de la peinture du XVIIIe admireront Watteau, Chardin ou Lancret, et aussi une collection d’œuvres de peintres allemands du XIXe, dont Caspar David Friedrich et Biedermeier. Les salles de la Grande Orangerie abritent le Musée de Préhistoire et de Protohistoire, où l’on peut découvrir le trésor de Troie, découvert
par Hienrich Schliemann en 1881.
Les
berges de la Spree se reflètent sur les immeubles de verre, chacun rivalisant avec le prochain en élégance et imagination. C’est le quartier des bureaux de Tiergarten. Les immeubles se mirent entre eux, créant des compositions étonnantes de couleurs et de formes. Sur la gauche les deux tours jumelles du Ministère de l’Intérieur participent au tourbillon général. La pénichette® avance
lentement, profitant le plus possible de cette magie architecturale.
Les ours modern style du pont Moabiter créés par Günter Anlauf font penser à des sculptures esquimos, et, deux ponts plus loin, un métro
passe sur l’Eisenbahn brücke en ferraillant. Les berges du parc Bellevue grouillent de Berlinois
venus chercher un peu de soleil et aussi de fraîcheur sous les
arbres. Nous approchons de la facade ouest de la Nouvelle Chancellerie,
avec ses formes cubiques découpées d’immenses cercles. C’est aérien, enlevé, et parfaitement esthétique. Cette superbe réalisation ultra-moderne est l’œuvre des Berlinois Axel Schultes et Charlotte Franck, et relie les deux côtés
de la boucle de la Spree, de Moabit jusqu’aux
abords de Mitte. A une centaine de mètres,
le grand H de la Hauptbahnhof, l’ultramoderne gare de Berlin, déplie
ses ailes de verre paralèlement à la Spree, et enjambe l’embouchure du Westhafenkanal, par lequel on peut aussi rejoindre l’écluse de Charlottenburg. A l’intérieur, les voies de chemin de fer s’entrecroisent sur de multiples niveaux reliés par des escalators. Des dizaines de magasins proposent tout ce qu’un voyageur peut souhaiter, à la façon d’un aéroport.
Face à la gare, sur le Kronprinzenufer, quatre
rangées de transats multicolores sollicitent la paresse, face au soleil. Le spectacle des bateaux-mouches et des embarcations privées ne s’arrête jamais. L’immeuble qui fait face au pont d’après, le Moltkebrücke, possède un ensemble de miroirs sur sa façade qui joue avec le soleil et le spectacle de la place en contrebas à la façon d’un
tableau de Wahrol.
Nous arrivons de l’autre côté de la boucle de la Spree, et retrouvons la version « est » de
la Chancellerie, couverte de vitrages sur lesquels
se reflète la 1165 FB. Probablement l’une des plus belles vision d’espace que j’aie jamais vues. On y voit tout ensemble la Spree, son reflet, la Chancellerie et ses salles internes, et aussi l’autre côté du bâtiment. Le bateau a véritablement l’air de flotter à l’intérieur. On se prend à philosopher
sur la transparence…
Quelques mètres plus loin, nous passons devant le Reichstag et
sa nouvelle coupole translucide de 3000m2, symbole de la démocratie.
La gare de Friedrichstraße, qui se profile maintenant, nous ouvre les portes de Mitte,
le centre de la cité. Sur le quai à gauche s’enchaînent les brasseries, où l’on sert de la bière jusqu’à… plus soif ! Le prix n’est jamais le même, dépendant de l’heure, du nombre de consommateurs, et peut-être aussi de l’âge
du capitaine…
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Une
coupole ronde reliée à deux ponts de part et d’autre : c’est
le Musée Bode, à la pointe de l’île des Musées, suivi du complexe du Musée
de Pergamme, dans lequel douze siècles d’architecture, de sculpture et d’artisanat sont regroupés, des frises babyloniennes au célèbrissime
buste de Nefertiti. La Cathédrale vient juste
ensuite, avec ses coupoles et son architecture neoclassique. L’ancien château des Hohenzollern, construit au XVe siècle, jouxtait la Cathédrale. Extrèmement endommagé pendant la guerre, il fut dynamité par Walter Ulbricht en 1950. A sa place s’éleva le très
controversé Palais de la République,
en cours de démolition au moment où j’écris ces lignes. Sur la Spree, on longe un fatras de poutrelles dans un nuage de poussière,
puis on arrive à l’écluse de Mülhendamm, face
au côté sud de l’île, nommé île des pêcheurs en raison du marché au poisson qui se déroulait là au moyen-âge. C’est là que
se trouvait Cölln, le plus ancien des deux villages qui constitua Berlin.
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