Je
ne sais pas jusqu’à quelle heure la petite église de Chatel Censoir
a égrené les heures cette nuit, mais ce que je sais, c’est
qu’elle les égrène toutes les heures depuis au moins
sept heures du matin. D’ailleurs, à sept heures, nous avons
eu un bonus : la messe. Lassé de compter les coups de cloches,
nous nous sommes levés, et avons préparé le petit
déjeuner. D’ailleurs, nous avons de la route à faire,
aujourd’hui, et il pleut. A torrent. Il y avait longtemps…
Au moment où nous partons, cela se calme un peu, mais nous n’avons
pas trop confiance dans les gros nuages noirs qui passent au-dessus de
nos têtes. Comme il faut relativement doux, une petite brume s’élève
sur les eaux. Un héron fait les cent pas sur la berge. Lui trouve
la météo fantastique : les petites bêtes à cornes
bien connues en Bourgogne sont de sortie, et c’est la fête à la
grenouille. Alors…
Une heure plus tard, nous passons les rochers du Saussois, grosses falaises
grises et blanches qui dominent le paysage de leurs cinquante mètres
de hauteur. C’est une école d’escalade renommée,
mais aujourd’hui, bizarrement, il n’y a personne.
Nous
croisons quand même, aux portes de garde (qui permettent de « garder » les
flots en cas de crue) de Mailly, une colonie de vacance hilare, qui
avance sous la pluie, enfouie sous les cirés. Mailly-le-Château
apparaît, et d’où je suis, je constate que sœur
Anne et une cousine ont placé des linges blancs à leurs
fenêtres. Nous arrivons.
Nous flirtons avec l’Yonne, qui
joue les timides. Un coup je te vois, un coup je disparais. A l’écluse,
nous « causons » champignons avec l’éclusier.
Un connaisseur !
Midi arrive, la fermeture
des écluses aussi, et nous restons à Mailly-la-Ville pour
déjeuner. C’est un village fleuri, où le pain de
la boulangère du village est une vraie splendeur. Les canards,
qui s’y connaissent, ont d’ailleurs élu domicile au
port, non loin d’une évocation de la petite sirène
de Copenhague, plus rustique.
L’après-midi, le ciel s’éclaircit,
tandis que nous avalons les écluses, toutes différentes : à Sainte
Pallaye, le chien tourne sur lui-même comme une
toupie. Il me donne le tournis rien que d’y penser. A Saint Aignan,
la mine réjouie, Laurent propose un chablis de derrière
les fagots (ou de sa cave, je ne sais pas, finalement).
A
Maunoir, un couple de cygnes déploie un grand numéro de charme pour
un quignon de pain.
Et à Cravant, nous nous arrêtons. Ici,
le 31 juillet 1423, l’armée de Charles VII, alliée
aux Ecossais de John Stewart, reçoit une sévère
rossée, pour ne pas dire autre chose, par les troupes de l’armée
anglo-bourguignonne du duc de Salisbury. Le bourg est riche d’Histoire,
avec son donjon (graffitis templiers), la Porte d’En Bas, où était
logé le corps de garde, le petit lavoir de 1828, le beffroi,
et toutes ces vieilles maisons à tourelle ou pans de bois.
Le
bateau repart ; il faut atteindre Bailly ce soir pour visiter les caves
du célèbre Crémant demain matin. Heureusement, ce
n’est
plus très
loin. Une grosse heure plus tard, nous y sommes. Le soleil se couche,
le tableau est splendide.
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