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En descendant le canal du Nivernais
JF Macaigne


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Le lendemain matin, c’est le grand beau ! Tout le monde gravit la route et pénètre dans les entrailles de la colline. Le spectacle est saisissant. Sur quatre hectares, de grandes chambres s’enchaînent sans fin les unes après les autres à l’intérieur de la montagne, garnies de millions de bouteilles, de murs de verre sombres, entre lesquels on marche avec précaution. Ça et là, des sculpteurs ont laissé leurs œuvres depuis 1993. Elles ont toutes un air de famille, ces évocations de la vigne, des vignerons, des bateliers et de toutes leurs traditions. Nous faisons attention de ne pas nous perdre. En cas de malheur, nous sommes au moins assurés de ne pas mourir de soif… En sortant, nous dégustons les différents crus de Crémant, sous une pyramide de bouteilles aux étiquettes jaunes. Inutile de préciser que nous sommes heureux de ne pas être en voiture…

Il faut repartir, et s’arracher à la vue grandiose que l’on a depuis la colline. L’Yonne serpente entre les coteaux, cachée des regards par les grands arbres touffus qui la bordent. Nous y naviguons, puis la quittons de temps à autre pour suivre de petits canaux qui évitent les barrages. Tout est vert et paisible, et les belles demeures succèdent aux coins plus sauvages. Un héron solitaire joue au marabout sous un saule, sur un ponton vide. Le petit village de Vaux se profile au loin sur la rivière vide, tandis que certains à bord tentent de rattraper un bronzage défaillant de fin d’été.
Après une suite de petits biefs étroits, sinueux et verdoyant, l’arrivée à Auxerre prend des allures de découverte d’un nouveau monde. Nous sortons du canal du Nivernais, une pancarte est là pour nous le rappeler. Devant nous, au delà de la dernière écluse, la cathédrale Saint-Etienne domine le paysage et la rivière. Sur le pont, la silhouette de Paul Bert, co-fondateur de l’école gratuite avec Jules Ferry et scientifique renommé, nous accueille, la main tendue.
Nous venons nous amarrer au port, rive droite, sous les vitraux de Saint-Etienne. On pourrait difficilement avoir une meilleure vue sur la ville. Le grand vaisseau de pierre, sur fond d’azur, surplombe un palais élégant dont la colonnade fait penser à ces grandes maisons italiennes de la Renaissance. Un peu plus loin, les flèches et les arcs-boutants de l’abbatiale Saint-Germain se reflètent dans l’Yonne ; Il n’est que temps d’emprunter la passerelle et d’aller se perdre dans les ruelles du vieil Auxerre, par couples et petits groupes.

L’Histoire est partout présente, dans ces anciennes maisons à pans de bois, ces enseignes, ces fontaines, ces statues, et bien sûr, ces extraordinaires églises. Pour tout voir, regardez par terre. Enfin, au début. Vous ne manquerez pas ces petits triangles de bronze à l’effigie de Cadet Roussel qui jalonnent la ville. Ils seront pour vous des guides fidèles et dévoués, surtout si vous avez pris la précaution de vous munir de la petite brochure délivré à l’Office du Tourisme, sur les quais, sous la cathédrale. Pourquoi Cadet Roussel ? Parce que Guillaume Rousselle, le personnage historique de cette chanson de Gaspard de Chenu, autre auxerrois, est mort dans la belle cité bourguignonne le 28 janvier 1807, après une vie remuante d’huissier audiencier sous la révolution. La chanson a fait le tour du monde ; sifflotez-la en faisant le tour de la ville. Vous trouverez la statue de Cadet Roussel sur la place Charles Surugue, sur fond de vieilles maisons.

L’abbaye Saint-Germain fut fondée au VIème siècle par la belle Clothilde, l’épouse de Clovis qui poussa ce dernier à se faire baptiser. Saint Germain, évêque d’Auxerre, avait été inhumé à cet endroit au siècle précédent. Les professeurs étaient fameux tels Héric et Rémy d’Auxerre, le maître de saint Odon de Cluny. On y vit même saint Patrick, l’évangélisateur de l’Irlande y apprendre la théologie.
On reconstruisit l’église au XIème, complétée par la tour Saint-Jean au XIIème, ainsi qu’un ensemble de bâtiments dont il subsiste la salle capitulaire, la salle de moines, et la sacristie. L’église actuelle date du XIIIème, et le cellier du XIVème. Le cloître, les dortoirs et le réfectoire furent reconstruits au XVIIème, et le logis abbatial au XVIIIème. Actuellement, on y trouve le Musée d’art et d’histoire d’Auxerre. La visite des fouilles, sous l’église, est belle et impressionnante : on entre dans la salle en marchant sur des dalles de verre et des grilles surplombant toute une série de sarcophages anciens. Ça et là, des vitrines montrent des fragments de sculptures moyenâgeuses de toute beauté.
Tout à côté de Saint-Germain se dresse une grosse tour ronde et une partie de mur crénelé. C’est tout ce qui reste de l’enceinte de l’abbaye, élevée en 1320.

Vous laisserez, au 100 rue de Paris, la maison natale du célèbre assassin le docteur Petiot, et porterez vos pas vers la cathédrale Saint-Etienne, autre chef d’œuvre de l’art gothique (que l’on nommait alors art français – de l’Ile de France où il apparut en premier – et que les Italiens du XVIIème nommèrent ainsi péjorativement pour désigner selon eux un art « barbare »). Détaillez les dentelles de la tour et du portail nord, puis rentrez et vivez la lumière des vitraux qui danse sur les longs piliers. Tentez de retrouver les fresques polychromes qui décoraient les murs à cette époque, en imaginant les foules bigarrées et recueillies qui se pressaient sous la nef. Puis descendez sous l’église, dans la crypte du XIème, qui servait de soubassement à la cathédrale (la quatrième élevée ici) construite par l’évêque Hugues de Chalons. Accoutumez vos yeux à la pénombre, vous pouvez même méditer un instant, l’endroit est propice, puis dirigez vos pas vers l’orient, vers la rivière qui coule plus bas. Vous commencerez par rencontrer un étrange pilier qui ne sert à priori à rien, qui sépare en deux une ouverture arrondie menant à la chapelle axiale. Ce pilier à triple collerette fait furieusement penser, la couleur en moins, aux piliers que l’on trouve en Egypte dans les temples antiques et qui étaient nommés djed. Levez la tête et admirez les fresques au dessus de vous. Jésus est représenté là en roi des rois de l’Apocalypse, monté sur un petit cheval blanc, et entouré de quatre anges, également à cheval. C’est la seule représentation du Christ dans cet appareil connue en France. Lorsque l’on songe que cette fresque a été peinte juste après les terreurs de l’an mil, cela laisse à penser.
Baissez maintenant les yeux et contemplez, au-dessus de cette fenêtre tournée vers l’orient - la seule qui diffuse une lumière dans la salle - sur le mur et le plafond du cul-de-four, le Christ en majesté peint au XIIIème siècle. Il est entouré des symboles des quatre évangélistes, ainsi que de deux chandeliers à sept branches (ménorah). Sur son genou gauche il tient un livre dont les deux pages ouvertes montrent l’alpha et l’oméga. Ses jambes sont ouvertes en équerre. Sa main gauche a le pouce et l’annulaire presque joints, et de la main droite, il fait le signe du huit, la Connaissance, toujours selon le langage des oiseaux. Rappelons que celui-ci était utilisé par les compagnons bâtisseurs pour communiquer lorsqu’ils se trouvaient sur les toits en plein vent et qu’ils ne pouvaient s’entendre…
Vous pouvez maintenant vous asseoir sur l’un des bancs de bois de la petite salle, avec les bruits étouffés du dehors, et des chants grégoriens très doucement diffusés qui semblent sortir des murs. L’effet est impressionnant.
Dehors, allez donc vous perdre dans toutes ces splendides ruelles au milieu des maisons à pans de bois peintes. Levez les yeux, elles fourmillent d’enseignes et de petits détails surprenants.

Nous sommes rentrés dans notre maison flottante, les yeux pleins de superbes images parce que le soir tombait, que l’Yonne devenue miroir reflétait les lumières des quais d’en face, et qu’il fallait que nous nous racontions les uns les autres notre demi journée ailleurs…

 
Texte & photos : ©JF Macaigne
 
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