La croisière débute en fin d’après-midi à Briare,
dont le célébrissime pont-canal construit par Eiffel a
fait la réputation. Il ne faudrait pourtant pas dédaigner
cette petite ville charmante, « la Cité des Perles »,
connue pour ses émaux depuis plus de 150 ans. Dans toute la ville,
on découvre des petites ou de grandes décorations en mosaïque,
dues à la manufacture des Emaux de Briare, fondée au milieu
du XIXe siècle parJean-Félix Bapterosse. C’est lui
qui offrit à la ville cette église Saint-Étienne
d’inspiration néo-byzantine dont la façade célèbre
le produit phare de la manufacture. Je vous conseille un coup d’œil
au petit baptistère à droite en entrant, où le frère
d’un Bambi devenu adulte protège de ses bois, sur un fond
bleu psychédélique, de magnifiques fonds baptismaux double
en marbre.
La ville est jolies maisons anciennes, fleurs, et anciens souvenirs,
comme cette grosse tour ronde hélas transformée en toilettes
publiques, et ce charmant petit lavoir, à deux pas des Pénichettes de Locaboat.
Les premiers tours d’hélice se font sur l’emblématique
Canal de Briare, l’un des plus anciens de France (commandé par
Sully), qui suit le Loing et file vers Montargis et le Canal du Loing
et plus loin, justement, la Seine. C’est la raison pour laquelle
sur le Canal latéral à la Loire, que nous allons emprunter
jusqu’à Dompierre, on croise des cabin-cruisers de belle
facture qui remontent vers Paris, Orléans, et le Havre… Pas
de jalousie, surtout, la vitesse est limitée sur les canaux !
Nous sommes trois et demi à bord de "Chez le Roi" (nom d’une écluse
proche de Montchanin et de St-Léger-sur-Dheune), cette immense
Pénichette® 1500 FB. En fin de saison, on a parfois des (bonnes)
surprises ! Autant dire que nous sommes très au large, et
que le carré prend des allures de salon de château. La « demi »,
Lou-Ann, n’a que trois ans et demi, n’a jamais mis les pieds
sur un bateau, et trouve ça fort intéressant. La demi tonne
de questions posées tous les jours en témoignent.
Après trois kilomètres, on tourne à droite toute,
juste après l’écluse de la Cognardière, et
nous voici sur le Canal latéral à la Loire, qui suit le
plus long fleuve de France comme une duègne sa protégée.
Il faut dire qu’elle a du caractère… On fait grosso
modo le chemin inverse de celui pris précédemment, et,
aux derniers rayons du soleil, débouchons sur cette merveille
incongrue et surprenante : le Pont-Canal, Un pont métallique
signé Eiffel, le plus long d’Europe, prodigieux de légèreté et
de grâce impériale.Les parisiens imagineront le pont Alexandre
III dans un décor campagnard, les autres… contempleront
en silence, et c’est probablement ce qu’il y a de mieux à faire,
tant le spectacle est époustouflant. Des colonnes rostrales aux
quatre coins, et une balustrade en fer de couleur verte qui courre tout
du long de l’édifice, ponctuée de lampadaires romantiques.
La Loire et ses bancs de sable par dessous, et au loin, le clocher de
Briare. La lumière est sublime, le spectacle est total. D’ailleurs,
mon copain Franck, habitué des spectacles de lumière, improvise
sur le pont avant un show muet mais très éloquent !
Le premier arrivé à l’un des bouts passe d’abord,
et cela tombe bien, il n’y a personne. Nous parcourons donc au
pas les 662m de l’ouvrage, puis, rassasiés d’admirable,
Franck, novice en la matière, nous offre un "atterrissage" impeccable, nous jetons l’haussière un peu plus loin et passons notre
première nuit sous un ciel noir où scintillent des millions
d’étoiles.
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