Le lendemain matin, réveil aux aurores : nous avons encore
de la route avant d’arriver à Nevers, que nous voudrions
visiter un peu. On se laisse glisser sur l’eau en silence, accompagnés
par les oiseaux qui chantent le soleil revenu, et bientôt apparaît
une double écluse impressionnante : l’écluse
du Guétin, qui ouvre sur le pont canal du même nom. C’est
comme grimper dans un ascenseur liquide. En haut, le spectacle en vaut
la peine : avant d’aller se jeter dans la Loire à deux
kilomètres d’ici, l’Allier déverse ses flots
sous le pont-canal. Du coup, on ne sait plus qui fait quoi : est-ce
nous qui franchissons l’Allier, ou lui qui nous laisse passer ?
Le spectacle est splendide, et comme personne n’attend de l’autre
côté, nous en profitons un peu…
Le voyage continue. A bord, c’est le bonheur. Les appareils photo
crépitent. Nous nous abandonnons au fil de l’eau, sous le
soleil qui donne à plein. Les champs de maïs n’en finissent
pas de nous accompagner, et nous arrivons à l’embranchement
de Nevers. Deux écluses, un bief bordé de platanes, et
nous y sommes.
De l’autre côté du port, c’est la Loire et la
ville. Tout là-bas, la tour de la cathédrale se refait
une beauté derrière un échafaudage très laid,
mais bon… Christo n’a pas frappé entièrement
et tout le reste semble accessible.
Après le pont de Loire, nous empruntons le quai des Mariniers,
sur la gauche, en direction de cette grosse tour ronde qui nous fait
de l’œil. En passant devant une vieille bâtisse à l’aspect
peu engageant, nous levons le nez car une plaque rappelle que le 25 vendémiaire
de l’an VIII (15 octobre 1799) de la Révolution, le général
Bonaparte est descendu là, revenant de la campagne d’Egypte.
Le bâtiment avait probablement une autre allure, et se nommait
alors l’Hostellerie du Grand Monarque. Un nom prédestiné…
La tour s’appelle Goguin, du nom de celui qui l’a vendue
en 1906. Elle date du XIIe siècle, et faisait partie de l’enceinte
médiévale, puis fut transformée en moulin aux XVIIe
et XVIIIe. En tournant sur la droite et en remontant le long des remparts,
c’est une jolie promenade sous les arbres, à l’ombre
des vieux murs d’enceinte et des grosses tours qui subsistent encore.
On arrive ainsi à la Porte du Croux, une solide construction du
XIVe, encore doté de son avant porte, de son chemin de ronde et
de ses échauguettes. En passant dessous, on pénètre
dans le quartier des faïenciers et on grimpe vers la cathédrale
St Cyr-Ste Julitte. L’église est une merveille du gothique
du XIIIe et XIVe siècle, installée sur les vestiges d’un
temple dédié à Janus, le dieu romain aux deux visages.
Elle présente cette particularité de posséder deux
chevets, l’autre étant, dans la partie ouest, celui d’une église
romane orientée à l’envers. L’intérieur
est étonnant, empli de jeux de lumière et de petits détails
singuliers comme ces petits personnages moyenâgeux encadrant les
piliers à la hauteur du premier étage.
A l’arrière de la cathédrale se trouve le palais
ducal, splendeur Renaissance aux tours octogonales et fenêtres à meneaux.
Le château fut construit pour Jean de Clamecy, afin de remplacer
son vieux château médiéval, dont les tours rondes
ont néanmoins résisté, à l’arrière
du bâtiment. Les mordus de littérature auront déjà fait
le rapprochement entre le comte de Nevers et le personnage inventeur
de la célèbre « Botte de Nevers » en
escrime imaginé par Paul Féval dans le Bossu. Notons
que le « méchant » du roman se nomme Philippe
de Gonzague, et que Charles de Gonzague (1580-1637) fut duc de Nevers.
Notons aussi que l’invention de la « Botte » est
italienne (Botta), tout comme la famille de Gonzague. Le monde
est petit…
A côté du palais existe un petit théâtre adorable à l’italienne,
qui est en ce moment en rénovation – il en avait besoin
- jusqu’en 2014 (au moins).
Il reste des centaines de choses à découvrir à Nevers,
et notamment les rues de la vieille ville et ses maisons à tourelles,
les faïenceries, et quantité de petits restaurants séduisants
mais, le temps nous manque, et plutôt que de passer la nuit sur place,
nous préférons coucher un soir encore à la belle étoile
un peu plus loin. On ne s’en lasse pas.
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