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 Le
lendemain, nous avons été réveillés
par les mouettes qui se payaient une bonne tranche de rigolade – je ne
sais pas pourquoi - et par le gardien du « port » qui
nous présentait la note. On peut prendre de l’eau, mais l’électricité,
c’est de l’autre côté. Cela n’a pas une grosse
importance, car, comme nous avons navigué toute la journée d’hier,
les batteries sont encore bien chargées. Et ce soir, nous serons partis.
Le tourisme fluvial est une vie de Bohémiens…
Il y a tellement de choses à voir à Gouda (prononcer « Raouda ») :
les fromages, bien sûr, mais aussi les pipes, la faïence, les sabots,
les gaufres, les nombreux musées, et même un moulin à blé qui
fonctionne encore.
J’ai réalisé que
nous étions à côté d’un vaste chantier de
réhabilitation d’un quartier historique. De l’autre côté du
terrain vague, les promoteurs ont gardé les façades des anciennes
maisons. L’effet est instantané : on se croirait dans un
décor de cinéma ou une ville fantôme.
De jour, la vision change ; cela paraît évident, mais le
mystère qui sourdait hier soir a disparu. La ville est fraîche
et drôle. Au mur de cette maison, un tableau façon école
flamande, inattendu ; plus loin, les frères et sœurs Ripolin
font la chaîne ; un barbu tire la langue ; un gnome surveille
la rue… Il est onze heures. Sur la place du marché, les cloches
des automates égrènent leur chanson aigrelette, et le spectacle
commence. Je n’ose penser au nombre de fois que le comte Floris V a remis
les clefs de la cité au bourgeois habillé en vert. Les enfants
sont ravis. Toutes les demi-heures, ça recommence. Lorsqu’il n’y
a pas d’enfants, ce sont les japonais qui sont aux anges. Quelques jeunes
filles, perchées tout en haut de leur vélo, passent, raides comme
la justice. De l’autre côté de la place, De Waag – la
Balance, l’endroit où l’on pèse le fromage et où il
est possible de se faire également peser – un gros bâtiment
carré aux volets rouges, semble surveiller l’activité de
l’esplanade.
Nous nous enfonçons
dans les petites rues, bordées de maisons à glycines. Au-dessus
de nos têtes, de fausses meules de fromage complètent le décor.
Pour ceux qui n’auraient pas compris où ils se trouvaient… Les
touristes que nous sommes enfilons les ruelles les unes après les autres
sous l’œil amusé d’une dame en vélo, laissons
de côté la Bibliothèque, et pénétrons dans
l’église Saint Jean-Baptiste(1), la plus longue des Pays-Bas.
La majeure partie du bâtiment date d’avant le grand incendie de
1552. Les vitraux, anciens, sont d’une richesse extraordinaire de couleurs,
de détails, de talent. On peut en apprécier les détails
par des longues-vues, disposées ça et là tout autour de
la nef. Les orgues, somptueuses, datent de 1736.
Juste en face se situe le musée. Un musée extraordinaire, passionnant,
clair, et varié. On y trouve faïences, porcelaines, arts du feu, évocations
de la vie d’antan, la pharmacie, une salle de torture médiévale,
et bien sûr, des tableaux. J’en oublie, c’est sûr.
Il commençait à faire
très faim. Sur la place, rassurez-vous, il y a tout ce qu’il faut.
De délicieux sandwichs, et de la bière hollandaise (un must).
Nous avons ensuite célébré les fromages (un must aussi)
dans le magasin face à l’Hôtel de ville, et nous sommes
rentrés au bateau, fourbus. L’après-midi était bien
entamé, le ciel commençait à menacer un peu, il était
temps de lever l’ancre, comme prévu.
Nous avons fait trois heures de navigation. Sur le Gouwe tout d’abord,
que nous empruntons à la sortie de Gouda. Vous remarquerez à cet
endroit un McDo où l’on peut accoster (je dis cela pour ceux qui
ont des enfants à bord, ça peut toujours servir). A Boskoop,
nous n’avons pas aperçu de pommiers mais nous avons poireauté un
long moment. Le préposé au pont devait probablement finir sa
partie de belote. J’espère qu’il a perdu.
 Le
voyage s’est poursuivi via Alphen, en croisant des ponts bizarres,
des trains qui ressemblaient à de gros vers métalliques
jaunes, et des vaches industrielles, puis par le Heimans Wetering,
au milieu d’une collection de rêve de canots somptueux
et de péniches mâtées restaurées avec amour.
Et nous sommes arrivés… dans
un petit coin de paradis. Sans parapluie ! Cela s’appelle le Braassemermeer.
Une sorte de petit lac tranquille, où l’embouchure jouxte une
série de petites îles.
Dans cet abri naturel s’est installé une petite marina, combinée à des
aires de jeux pour enfants, et, à portée de regard, des îlots
boisés et sauvages où vivent une bonne centaine d’oiseaux
de toutes plumes. Il y en a pour tous les goûts. Je n’ai aucune
connaissance en ornithologie, mais si jamais je devais apprendre un jour, c’est
là que je reviendrais. On y trouve hérons, oies, colverts, sarcelles,
foulques, poules d’eau, et quantité d’autres dont je ne
connais pas les noms.
La nuit est venue, et ils se sont couchés, nous
laissant seuls dans le noir avec nos jumelles. Cela ne nous a pas empêchés
de dîner dans le carré, eu égard du nombre de moustiques
et de moucherons qui nous attendaient dehors avec une certaine impatience…
(1) Le Saint-patron de la ville.
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