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 Le
ciel était
bleu lorsque nous avons émergé d’un sommeil profond.
Pas un bruit, si ce n’est quelques oies qui passaient au-dessus
de la pénichette en conversant, de temps à autre. Nous
serions bien restés quelques mois de plus, mais, à quelques
kilomètres de là, nous avions rendez-vous avec les tulipes.
Alors… nous sommes partis sur la pointe des pieds, en faisant
le moins de bruit possible. Dans le champs en face, une dizaine d’oies
surveillaient jalousement leurs petits, et se sont écartées à notre
passage, prudentes…
Après
Oude-Wetering, nous avons obliqué sur la gauche en direction
de Lisse, où se situe le Keukenhof, le célèbre
parc aux sept millions de bulbes. Nous avons croisé des moulins,
sommes passés au dessus de l’autoroute, avons attendu
vingt minutes à un pont dont le préposé ne nous
aimait pas, visiblement (mais comme nous avions le temps, il a bien
fallu qu’il nous ouvre, en fin de compte), nous avons vu d’autres
vaches industrielles, mais de tulipes, point ! Il y avait bien
des champs, mais verts. Sans fleurs. Nous commençions à désespérer,
lorsque, miracle, une tache rouge et rose a crevé le paysage,
pas très loin de la route qui longe le canal. Puis un autre
champ est apparu, et encore un autre. Les appareils photos ont pris
l’air, soudain. La péniche avançait à peine,
la vitesse au minimum, et le spectacle devait valoir la peine, vu de
la berge. Je parle de nous, bien sûr…
Le bateau s’est
remis en marche, doucement. Evidemment, les tulipes étaient assez
loin, il n’y en avait pas eu beaucoup, et probablement à cause
de l’effet de serre, elles avaient fleuri plus tôt, et… Stop !
Nous voulions des tulipes, nous en avions eu. J’ai rappelé à tout
le monde que trois jours plus tard, nous serions de retour en voiture
au Keukenhof. Du coup, nous avons stoppé, sorti les piquets, attaché le
bateau, et nous avons déjeuné. Sur le pont. Non mais !
C’est
plus loin que nous avons vu les extraterrestres. Ils tenaient un congrès
derrière un mur. Mais je les ai reconnus, grâce aux feuilletons
que je regarde à la télé. Nous nous sommes éloignés,
prudemment, et, un moulin, un canard, une usine gothique et quelques
beaux canots plus loin, nous sommes arrivés dans les faubourgs
d’Amsterdam.
Le mètre carré se fait rare, dans la Venise du nord. Alors
les amstellodamois habitent sur l’eau. Dans des péniches,
des house-boats, des maisons flottantes, et, aussi, des bateaux. Il y
en a de superbes. C’est un vrai mode de vie. A tel point qu’il
est maintenant possible de louer un house boat comme on le ferait pour
une chambre d’hôtel.
Nous avançons doucement, sans vague, car nous savons combien il
est désagréable de voir toute sa vaisselle remuer au moindre
passage d’un bateau. Devant nous, un bateau à vapeur minuscule
remonte le canal au son d’un « touf touf » caractéristique.
Ces gens ne finiront jamais de me surprendre.
C’est un petit
lac, le Nieuwe Meer, qui ouvre la porte de la cité par une écluse.
Il y a déjà cinq bateaux (plus petits) qui attendent l’entrée
dans l’écluse d’une péniche qui ressemble aux
voitures des dessins animés de Tex Avery : in-ter-mi-nable !
Nous arrivons quand même à loger la Pénichette® derrière
tout ce monde, et nous voici intra-muros. Enfin, si l’on peut dire.
Notre première vision est celle d’un véritable village
flottant, avec ses rues sur l’eau, ses places de parking (il y
a même deux remorqueurs). La plupart des maisons ont deux étages,
et à cette heure-ci, les habitants prennent le frais sur les terrasses.
Nous suivons la péniche sagement entre les immeubles, et les ponts
s’ouvrent les uns après les autres pour le monstre devant
nous. Une grosse demi-heure plus tard, nous pénétrons dans
le port. On aperçoit la verrière de la gare, plus loin.
Nous nous faufilons entre les grosses barges, les péniches, les
ferries, les paquebots, et rejoignons Sixhaven, que nous connaissons
bien pour y avoir déjà passé quelques jours lors
de notre dernier voyage.
Nous trouvons une place à côté d’un
voilier de course ultramoderne, beau comme une chaussure de sport dernier
cri. Nous sommes à l’aise ici, près du centre, avec
toutes les commodités à volonté. Leur dernière
trouvaille est un délivreur automatique par carte bancaire de
droit de stationnement. On paye, et l’appareil délivre un
ticket que l’on accroche au bateau, et donne le mot de passe pour
les sanitaires. Magique ! De Sixhaven, on prend l’un des deux
bacs (gratuits) qui traversent le port 24h/24, et l’on se retrouve à la
gare, autrement dit au centre du monde. Le grand Salvador a dû venir
ici un jour.
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