Sur le bief (la portion de canal
comprise entre deux écluses) menant à Négra, nous croisons
une colonie de jeunes canards encore duveteux, qui s’écartent
prudemment.
Petite
escale à Négra, à la base Locaboat,
d’où nous sommes partis hier, pour remplir les réservoirs
d’eau (6 personnes, ça consomme…), et pour se restaurer,
grâce aux provisions achetées à Toulouse. Sur le
parcours, les supermarchés ne manquent pas, ni les petits restaurants
sur le bord du canal, ni les taxis aux écluses pour aller dans
les villages voisins…
L’après-midi
est encore un enchantement. La voûte verte nous fait un long
tunnel de feuilles, et nous fendons l’eau avec un réel
délice, un peu comme un skieur sur de la neige fraîche.
Des éclats de soleil frappent la surface de l’eau et créent
des milliers de petits éclairs jaunes et joyeux qui éblouissent
les yeux.
Nous
passons une nuit calme à Gardouche, quelques kilomètres
plus loin, protégés par les arbres. De grands plumeaux
blanc-rosés d’herbe de la Pampa parsèment les rives
et font des taches de couleur sur le fond vert. Les peintres doivent
être heureux, ici.
Les gastronomes aussi, d’ailleurs, car nous n’y tenons plus
– la proximité de Castelnaudary nous aiguillonne –
et, d’un coup de taxi, nous dînons d’un somptueux
cassoulet à l’Hôtel Restaurant du Lauragais, à
Villefranche de Lauragais (05 61 27 00 76), sur la recommandation de
l’éclusière. Une adresse à conserver !
Nous sommes réveillés par les canards, qui se racontent
probablement les nouvelles du matin, et, au milieu des petits filaments
de brume qui flottent langoureusement au-dessus de l’eau, nous
prenons le café bien au chaud dans le grand carré.
Contact, et bientôt, le diesel ronronne discrètement.
Nous larguons les amarres, et la vie s’organise. Les enfants occupent
les douches – pas longtemps – et le reste de l’équipage
s’affaire à rendre le bateau présentable. La vie
à bord est douce et tranquille. Elle s’organise naturellement.
Avec trois cabines et deux douches, personne ne se gène. On vit
dans le carré ou dehors, à l’ombre des grands arbres.
Le matin, c’est aussi parfois le temps pour les devoirs de vacances…Pas
d’exercices, pas de visites. Du moins, c’est la menace.
Il faut croire que cela porte ses fruits, car nos deux écoliers
sont studieux et appliqués. Enfin, presque. Car les occasions
de se distraire sont légion
Bientôt se dessine la double écluse d’Encassan.
Nous avons besoin de tout notre savoir-faire en matière de passage
d’écluse, car le flux qui remplit les bassins est étonnant,
et nous sommes trois bateaux à franchir la passe : une autre
péniche, d’un couple d’italiens d’Anconna,
sympathiques et volubiles, et un petit voilier convoyé par deux
joyeux compères vers les eaux bleues de la Méditerranée.
Après
ce passage « tumultueux », nous faisons route vers Port
Lauragais, accueil abrité aux structures modernes, que nous laisserons
de côté, ainsi que Montferrand, où l’on peut
encore voir les ruines du château de Simon de Montfort, le chef
de la croisade contre les Albigeois. Sur la colline, une « ferme
» d’éoliennes. Elles brassent l’air de leurs
grandes pales blanches, comme de gigantesques ventilateurs. Je me demande
si les lapins apprécient, l’été…
Un vieux pont de pierre, gardé par une famille de cols-verts,
et nous voici arrivés à l’écluse de l’Océan,
près du point le plus haut du Canal du midi, le seuil de Naurouze,
où fut érigé un obélisque à la
mémoire
de Riquet.
Les
vannes sont manœuvrées à la main par un jeune homme,
qui se fait, de l’argent de poche pour ses études et
les muscles des bras.
Un cèdre centenaire garde l’entrée du lieu. Nous
avançons sous les frondaisons, derrière le voilier, et
passons devant la plaque indiquant le partage des eaux, perdue au milieu
des herbes. C’est un peu comme franchir « la ligne »…Mais
aucune cérémonie ne sera célébrée
à bord, pourtant, lors de ce moment historique. On fête
quand même ce moment inoubliable par un bon apéritif, et
un confit d’oie local succulent.
Pour ceux qui auront décidé d’en faire le moins
possible, je signale une paire de petits restaurants tout ce qu’il
y a de plus sympathiques, au Ségala, juste après le
pont (en descendant).
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