Le Canal du Midi de Négra à Argens JF Macaigne

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Nous continuons paresseusement notre route, et passons devant Laredorte, où quelques péniches sont amarrées à proximité d’un restaurant à la treille fournie. Juste après un grand virage apparaît le pont-canal de l’Argent-Double, où le chemin de halage passe sur onze arches de pierre. Tout de suite après, nous « survolons » l’Argent-Double », petit affluent de l’Aude.
Nous arrivons à Homps, l’un des hauts lieux de la batellerie et du transport du vin par le Canal. D’ailleurs, un petit musée est dédié à cette activité sur le quai (où l’on peut acheter les crus locaux).
Nouvelle escale, nous ne voulons pas perdre une miette de ce voyage fantastique, et nous nous accordons une heure. Pas plus !


Homps a subi bien des malheurs dans l’Histoire : détruit pendant la croisade contre les Albigeois, puis pendant les guerres de religion, il fut néanmoins au XVIIème l’un des principaux ports bateliers du Canal, où l’on « embarriquait » et embarquait le renommé (et délicieux) Minervois. Au détour d’une rue, on voit à travers une grille ce qui fut une commanderie des chevaliers de Malte jusqu’en 1792. Presque à la sortie du village, une petite chapelle solitaire du XIIème siècle offre ses murs de grosses pierres et son cimetière tranquille, planté de grands ifs verts. Une très vieille porte surmontée d’un blason en forme de cadenas donne sur la rue, mais pour le moment, elle est close. On imagine les trésors de l’intérieur…
Retour au bateau, pour le dernier tronçon, à effectuer avant l’heure de fermeture des écluses. A l’écluse de Homps, nous attendons 35 minutes qu’un gros bateau mené par un couple d’anglais arrive à franchir l’obstacle. Nous sommes descendus, et nous observons les manœuvres quelque peu désordonnées et violentes de l’engin, qui heurte les autres bateaux présents. Je demande au « capitaine » s’il a besoin d’aide et si c’est la première fois qu’il pratique…« Pas exactement » me répond-il un peu énervé. Finalement, c’est son jeune fils à la barre qui sort de l’écluse, à plein régime, sous les yeux abasourdis de tous, en créant de grosses vagues qui chahutent les coques.
Heureusement, ce type de comportement est très rare, et fait sourire tous ceux qui naviguent sur les eaux calmes des canaux.
Nous arrivons à Argens juste à temps, et venons sagement nous ranger au port de la base Locaboat, entre deux pénichettes « Flying Bridge », somptueuses avec leur poste de pilotage sur le pont supérieur et leurs cabines en bois vernis.
Petite visite du village – nous avons le temps, maintenant – où une vieille bastide remaniée au XIVème siècle, après sa prise par Simon de Montfort, s’accroche à la pente de la butte. Le village est blotti autour de la vieille église, au milieu des vignes, et d’en haut, on peut apercevoir l’Aude qui serpente mollement dans la vallée. Nous parcourons les quelques ruelles aux maisons éclairées par le couchant d’une lumière dorée paisible, puis nous rentrons à bord faire un brin de ménage et préparer nos valises pour le lendemain. L’ambiance est mélancolique, du genre « fin de vacances »…
Cette promenade au fil de l’eau et du temps, cette croisière « au lent cours » dans ce monument historique aux écluses joufflues replonge la mémoire dans le Grand Siècle. Les rencontres sont nombreuses et enrichissantes. Ecossais de Glasgow, Hollandais de Loosdrecht, Allemands résidents à Maastricht, Italiens d’Ancona, c’est toute l’Europe qui se donne rendez-vous sur le Canal du Midi. Et les drapeaux qui ornent la réception de la base font la fierté de Sabine, l’une des hôtesses des lieux. Ils lui ont été offerts par tous les plaisanciers heureux de leur voyage, en remerciement de ces moments hors du temps.
C’est un spectacle étonnant que celui du retour : on entend une bonne demi-douzaine de langues différentes, on rebranche les portables, les voitures reprennent la route de la rentrée, la vie reprend.
Sabine m’a confié l’histoire de ce vieux couple, dont l’époux est dans une chaise roulante. Pour rien au monde ils ne manqueraient, chaque année, quelques jours sur une pénichette. Ils connaissent le Canal mieux que quiconque, pourraient en remontrer à bien des marins et font preuve d’une fidélité sans faille. A tel point qu’il y a quelques années, sans nouvelles ni réservation de leur part, toute l’équipe s’est inquiétée. Un empêchement de dernière minute leur avait fait « sauter » leurs vacances favorites.
C’est comme ça, la « famille » des plaisanciers d’eau douce. Unie, et attentive…
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Texte & photos
JF Macaigne