
Nous
entamons la dernière partie du voyage, j’en suis sûr.
J’entends bien leurs conversations, où il est question
de rendre le bateau demain, de Gaulois, et de bonbons à l’anis.
Tout cela ne me dit rien qui vaille. Il va falloir que je cogite un
peu pour comprendre pourquoi ces quatre amis sont venus ici, et surtout,
pourquoi voyagent-ils sur cette maison flottante qui ne leur sert même
pas de bureau.
Les peupliers qui bordent le canal forment deux longues rangées
de sentinelles un peu déplumées. Il se trouve que c’est
la SEITA, aujourd’hui disparue, qui entretenait ces arbres font
en faire des allumettes. Celles-ci sont en voie de disparition, et les
peupliers attendent que quelqu’un vienne leur faire une toilette.
Mais pour faire provision de gui au nouvel an, c’est l’endroit
rêvé… En tout cas, le lieu est magnifique. Nous croisons
quelques vieilles fermes fortifiées, qui s’éloignent,
et à l’écluse de Courcelles, des promeneurs aident
à la manœuvre. Les enfants sont ravis !
Les pêcheurs sont au rendez-vous, le soleil et les champs de
colza aussi, c’est le bonheur. Le ciel se reflète sur l’onde
calme, seuls les chants des oiseaux et le clapotis du sillage rompent
le silence. Des groupes de petits veaux nous regardent passer, c’est
nouveau pour eux, et inexorablement, nous avançons.

Non
loin de Vénarey, notre prochaine (et dernière) étape,
nous croisons un drôle de bateau amarré à une écluse.
Tout en bois, et une cabine qui va de l’avant à l’arrière
de l’engin. C’est un « Narrowboat » anglais
à l’hivernage, qui attend ses propriétaires de Chatham.
Il vaut mieux être mince…
En fin d’après-midi, nous accostons à la base
Locaboat de Vénarey Les Laumes, terme de la croisière.
Je crois comprendre le fin mot de l’histoire…
Tourisme.

Mais
tourisme spécial, il faut dire. Il n’y a qu’à
les voir marcher, tranquillement, dans les ruelles de Flavigny, le lendemain,
main dans la main. Ces touristes-là voyagent autrement. Un peu
comme moi avec ma maison sur le dos, lentement, pour ne rien rater des
paysages et des sites qu’on laisse de côté le plus
souvent à cette époque de vitesse. Ils ont l’air
détendus, heureux, sereins. Ils voyagent au pas, loin des foules,
loin du tumulte. Et ils en profitent, manifestement.
A Flavigny, célèbre depuis des lustres pour ses bonbons
à l’anis, ils ont franchi l’ancienne poterne protégée
par la Vierge, parcouru les venelles du village, admiré les vieilles
maisons, visité l’église Saint Genest du XIIIème
siècle, remarqué les curiosités qui jalonnent l’ancienne
capitale religieuse de l’Auxois. Ils se sont promenés sur
la sente qui fait le tour du village, sorte de chemin de ronde où
le paysage s’étend sur les collines environnantes, témoins
des luttes de jadis.
-
Visionner le diaporama de Flavigny sur Ozerain -
Puis ils ont continué vers Alésia, toute proche, pour
respirer l’air où César et Vercingétorix
se sont livrés bataille. Sous un soleil brûlant, ils ont
parcouru les vestiges des ruelles de la cité gallo-romaine, bordées
des traces des maisons d’alors. Ils se sont imaginés la
vie bruyante et agitée des marchands, des cabarets de la Gaule
du premier siècle avant notre ère. Ils ont rêvé
à ces Gaulois des livres d’Histoire – « nos
ancêtres » - et à la première grande bataille
de l’histoire de France, où l’honneur d’un
peuple n’avait pas failli.
-
Visionner le diaporama d'Alésia -
Puis ils sont repartis, avec moi, toujours dans le sac photo.
Depuis, je coule des jours heureux dans un petit jardin de la banlieue
parisienne. Et finalement, je ne regrette pas qu’ils aient choisi
de squatter mon bureau, tout bien réfléchi…